mercredi 18 janvier 2012

Le despote de Rabat gagne sur toute la ligne, Benkirane se couche!



Déclaration Citoyenne
Le despote de Rabat gagne sur toute la ligne, Benkirane se couche!

TelQuel- Maroc No 504
Par Driss Bennani et Fahd Iraqi
Enquête. Et le roi créa le gouvernement !

Cérémonie. Accompagné du prince héritier, Mohammed VI a sacrifié à la traditionnelle photo officielle avec le nouveau gouvernement. (AFP)

Entre marchandages avec les partis politiques alliés, pressions internes des bases du PJD et tractations houleuses avec le Palais, l’accouchement du gouvernement Benkirane s’est fait dans la douleur. Retour sur 35 jours riches en rebondissements.


En nouant sa cravate, ce mardi 3 janvier, Abdelilah Benkirane ne pouvait s’empêcher de repenser, sourire aux lèvres, à son long parcours politique. Le jeune militant de la Chabiba Islamiya a décidément fait du chemin. Dans quelques heures, les membres de son équipe

gouvernementale, la première sous la nouvelle Constitution, prêteront serment devant Mohammed VI. Une consécration pour ce dirigeant islamiste. “L’histoire retiendra que le docteur Abdelkrim El Khatib a permis au PJD d’exister. Saâd Eddine El Othmani a évité la dissolution du parti au lendemain des attentats du 16 mai 2003. Abdelilah Benkirane lui a fait gagner les élections et le poste de Chef de gouvernement”, analyse, avec beaucoup de satisfaction, un membre du secrétariat général de la formation islamiste.

En route vers le Méchouar…
En milieu de matinée, les onze ministres du parti de la lampe commencent à affluer vers le domicile de Abdelilah Benkirane, dans le quartier des Orangers à Rabat. C’est ici qu’ils se sont donné rendez-vous pour se diriger, ensemble, vers le palais royal. Dans le salon du nouveau patron de l’Exécutif, l’ambiance est assez festive. “Nous sommes habitués aux réunions politiques à domicile”, ironise l’aîné de Abdelilah Benkirane. Après une collation, le cortège des ministres islamistes quitte le “point de rassemblement”. Ils partent en groupe et utilisent leurs voitures personnelles. Abdelaziz Rebbah, nouveau ministre de l’Equipement et du transport, est même obligé de rejoindre le palais royal à bord d’un véhicule utilitaire du parti. Tout un symbole !
Arrivés au palais, les ministre pjdistes rencontrent leurs nouveaux collègues politiques et technocrates. Les 31 ministres sont alors pris en charge par les responsables du protocole royal et patientent à l’entrée, assez étroite, de la salle du trône. Pour l’occasion, Mohammed VI s’est fait accompagner par le prince héritier Moulay El Hassan. Les ministres défilent selon un ordre protocolaire préétabli. Chacun d’entre eux effectue quelques pas, s’incline à trois reprises devant le monarque avant de lui embrasser… l’épaule, à quelques rares exceptions. Allègement du protocole ? “C’est un choix personnel. Rien n’oblige les responsables officiels à faire le baisemain. Rien ne le leur interdit non plus”, explique un nouveau ministre.
Durant toute la cérémonie, qui n’a pas duré plus de 15 minutes, Abdelilah Benkirane est resté collé au monarque, la tête baissée et les traits tirés. Il faut dire que l’accouchement a été difficile. Cela a même laissé quelques séquelles sur le nouveau-né.

Les malformations d’un gouvernement
En tout, cinq ministres technocrates ont conservé leurs postes au sein du nouvel Exécutif, annoncé au départ comme éminemment politique. Il y a d’abord - et c’est une surprise - Ahmed Taoufiq, reconduit à la tête du ministère des Habous et des Affaires islamiques malgré le grand mouvement de protestation des imams dans plusieurs régions du pays. Il y a ensuite Driss Dahak, Secrétaire général du gouvernement, et Abdellatif Loudiyi, ministre délégué en charge de l’Administration de la Défense nationale, véritables gardiens du temple gouvernemental. Le Palais aurait également insisté pour maintenir Aziz Akhannouch à la tête du département de l’Agriculture. Et tant pis si cela passe par la démission en catastrophe de l’homme d’affaires du RNI, passé à l’opposition. Autre nomination surprise, celle de Charki Draiss, jusque-là patron de la DGSN, en tant que ministre délégué à l’Intérieur. Une manière de verrouiller la gestion de “la mère des ministères”, désormais dirigée par Mohand Laenser, SG du Mouvement Populaire (MP).
Ensuite, l’équipe gouvernementale ne compte qu’une seule femme. Nous sommes très loin des sept femmes ministres du cabinet Abbas El Fassi à sa nomination. Bassima Haqqaoui, nouvelle ministre de la Solidarité, de la famille et du développement social, est d’ailleurs la première à s’en offusquer. “C’est une situation inconfortable pour moi. Je regrette que les partis politiques n’aient pas fourni d’efforts pour présenter des femmes et défendre leur candidature aux postes de responsabilité. Les quatre formations de la majorité disposent pourtant de compétences féminines réelles que je connais à titre personnel et qui avaient parfaitement leur place au sein de ce gouvernement. Les femmes ont finalement été victimes des négociations marathon qui ont précédé la formation de l’Exécutif”, s’emporte-t-elle.
En quittant le palais royal, Abdelilah Benkirane a tenu à s’entourer de tous ses ministres pour faire une déclaration à la presse. Une manière d’insister, malgré tout, sur la solidarité et la cohésion gouvernementale ? Sans doute. Mais cette fois, le nouveau Chef du gouvernement ne veut laisser aucune place à l’improvisation. Il déplie soigneusement une feuille sur laquelle il a rédigé un petit speech qu’il s’applique à lire devant les micros des télévisions nationales. Que faut-il en retenir ? Que le gouvernement tiendra tous les engagements pris par l’Etat marocain, qu’il accorde un intérêt particulier pour stimuler l’investissement et que la déclaration gouvernementale est quasi prête. “Les nouveaux ministres y apporteront leur touche avant de la présenter devant les deux chambres du parlement”, a notamment précisé Benkirane. Ce dernier n’a pas omis non plus de féliciter les quatre formations de la majorité, qui ont “tenu bon durant les 35 jours qui se sont écoulés” depuis la réception du Chef du gouvernement par le monarque, le 29 novembre à Midelt.

Euphorie des débuts
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis cette date, pourtant si proche. A l’époque, Abdelilah Benkirane croyait que les 107 sièges remportés par son parti allaient lui faciliter la tâche de former (rapidement) une majorité parlementaire confortable, puis un gouvernement ramassé et homogène. Dans ses toutes premières déclarations, le leader islamiste évoque d’ailleurs un exécutif constitué de 20 ministres. Il annonce sa volonté de gouverner avec des ministres plus jeunes que lui et d’avoir un contact direct avec Mohammed VI. Pour ses futures coalitions, il ne se fixe qu’une seule ligne rouge : le PAM. Il décrète aussi la fin des ministères de souveraineté, à une exception près. “Le département des Affaires islamiques reste du ressort exclusif de Sa Majesté”, affirmait-il.
Au lendemain de sa nomination, le SG du PJD entame donc ses négociations avec les chefs de partis politiques. Comme promis lors de sa campagne électorale, il commence par frapper aux portes de la Koutla. L’accueil de l’Istiqlal est plutôt chaleureux, les dirigeants du PPS sont enthousiastes, mais la rencontre avec Abdelouahed Radi, premier secrétaire de l’USFP, ne dure pas plus de 40 minutes. Les deux hommes se congratulent mais évitent de rentrer dans les détails. Le parti socialiste veut se refaire une virginité politique et finit par rejoindre officiellement les rangs de l’opposition. Il y siégera aux côtés de deux autres poids lourds du champ politique national : le RNI et le PAM.
Pour le PJD, le coup est dur mais Abdelilah Benkirane ne baisse pas les bras pour autant. Au lendemain du passage de l’USFP à l’opposition, il reçoit Mohand Laenser, patron du Mouvement Populaire, et le convainc, sans peine, de rejoindre la majorité gouvernementale. Pour ne pas rester otage de ses partenaires politiques, Benkirane tente quand même d’élargir sa coalition en faisant du pied à l’UC, mais se heurte au veto de l’Istiqlal et abandonne cette option.

Et soudain, El Himma !
Mercredi 7 décembre, le nouveau Chef du gouvernement reçoit deux informations. La première est plutôt réjouissante. Quatre petits partis apportent leur soutien à l’Exécutif en constitution. La majorité gagne ainsi quelques sièges au parlement. La deuxième est plus embarrassante : Mohammed VI nomme Fouad Ali El Himma en tant que conseiller royal. L’homme fort du PAM (et l’un des principaux détracteurs des islamistes) revient aux affaires à un moment crucial. Au PJD, les premières déclarations restent assez timides. Le message est pourtant clair. En étoffant son cabinet, le roi compte peser (plus que jamais auparavant) sur la gestion des affaires publiques. “Normal, commente cet ancien ministre. La nouvelle Constitution a prévu une batterie de lois organiques qui engagent le pays sur plusieurs décennies à venir et sur lesquels la monarchie veut garder un œil vigilant”. De son côté, Abdelilah Benkirane entame le deuxième round de négociations avec les quatre partis de sa nouvelle majorité. Il y est question de définir l’architecture du futur gouvernement et de présenter un candidat unique à la présidence du parlement. L’Istiqlal décroche le poste et y propose Karim Ghellab, ministre sortant de l’Equipement et du Transport.
Mardi 13 juillet, Abdelilah Benkirane est, une nouvelle fois, convoqué au palais royal pour une séance de travail à l’abri des caméras de télévision. La rencontre dure 50 minutes. Le Chef du gouvernement y présente les grandes lignes de sa future équipe gouvernementale. Il demande le passage des départements de l’Intérieur et des Affaires étrangères dans le giron des partis politiques. Cela ne semble pas déranger le monarque outre mesure. Ce dernier est même d’humeur plutôt taquine. “Il m’a demandé si j’étais toujours fâché avec El Himma. J’ai répondu qu’on ne se fâche pas avec les collaborateurs de Sa Majesté”, a notamment confié Benkirane. Ce dernier a pourtant compris le message : l’ami du roi servira d’intermédiaire entre le Chef du gouvernement et le Palais.

Les réserves du Palais
Vendredi 16 décembre, le conseil national du PJD crée la surprise en confiant à une commission de 36 membres le soin d’élire les candidats du parti aux postes ministériels. La démarche est innovante mais elle fait grincer des dents en haut lieu. Elle réduit en effet les marges de négociation possibles avec le Chef du gouvernement, qui pourra toujours prétexter la pression des instances partisanes pour refuser d’éventuels changements sur sa liste. Les choses se compliquent. Les premiers noms de ministrables commencent à fuiter. Abdelilah Benkirane temporise avant de déposer, samedi 24 décembre, une première liste officielle au cabinet royal. 48 heures plus tard, l’Istiqlal lâche une véritable bombe en affirmant, par le biais d’un éditorial publié en Une du quotidien Al Alam, que “les négociations sont toujours en cours”. Le parti de Abbas El Fassi n’aurait pas digéré la perte du ministère (stratégique) de l’Equipement et du Transport et menace de quitter la majorité gouvernementale. La toute nouvelle majorité entre alors dans une zone de turbulences.
Abdelilah Benkirane avale subitement sa langue et interdit à ses collègues au sein du secrétariat général de fuiter les noms des ministrables. Il s’entretient avec Zoulikha Nasri et Fouad Ali El Himma, tous deux émissaires de Mohammed VI. Le Palais émet des réserves sur certains candidats et s’oppose fermement à d’autres. C’est notamment le cas de certains ministrables de l’Istiqlal, en plus de l’avocat Mustapha Ramid, candidat au portefeuille de la Justice. Benkirane s’accroche comme il peut. Il défend la candidature de son collègue Ramid et accepte de céder le département des Finances à l’Istiqlal, tout en gardant la main sur le Budget. “L’Istiqlal est un partenaire stratégique qui mérite de diriger le ministère de l’Economie et des Finances. Mais il ne serait pas normal pour un parti qui dirige la majorité de ne pas disposer du département du Budget”, explique Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole officiel du gouvernement.
Les tractations de dernière minute durent jusqu’au soir du 31 décembre. Selon des sources concordantes, le duo Zoulikha Nasri et Fouad Ali El Himma se seraient longuement réunis avec Abbas El Fassi pour modifier la liste des ministres istiqlaliens. Le 1er janvier, c’est Aziz Akhannouch, ministre sortant de l’Agriculture, qui crée l’évènement en démissionnant avec fracas du RNI. Il est pressenti à la tête de l’Agriculture… ou de l’Intérieur. La nomination du gouvernement Benkirane est, elle, donnée pour imminente. Elle est d’abord annoncée à Marrakech, puis à Ifrane avant de se dérouler à Rabat le mardi 3 janvier. Certaines nominations, comme celles de Charki Draiss et Youssef El Amrani, porteraient l’emprunte de Fouad Ali El Himma et de Taïeb Fassi Fihri, qui a fini lui aussi par rejoindre l’équipe des conseillers royaux. Les premières passations de pouvoir ont lieu dans la soirée. En face, l’opposition ne perd pas de temps non plus et fustige déjà “un gouvernement ultra-conservateur”. La partie ne fait que commencer !

GOUVERNEMENT 2012 (voir infographie)


Tractations. Un long fleuve (peu) tranquille
25 novembre. 45% des électeurs se sont rendus aux bureaux de vote pour choisir entre les listes des 31 formations politiques qui ont participé à ces élections anticipées.
27 novembre. Les résultats définitifs sont dévoilés : le PJD arrive en tête avec 107 sièges. Un score de 28% jamais inégalé par le passé, mais insuffisant pour être seul maître à bord. Les négociations avec d’autres partis sont incontournables.
29 novembre. Le secrétaire général du parti vainqueur, Abdelilah Benkirane, est reçu par le roi à Midelt pour être nommé Chef de gouvernement. Il lui reste à constituer sa majorité.
29 novembre. Le RNI (52 députés) annonce son intention de rejoindre l’opposition par communiqué. Une autre grande formation, le PAM (47 sièges), est dans l’opposition par défaut. Le PJD avait signé et persisté : hors de question de s’allier au parti de Fouad Ali El Himma.
4 décembre. Le conseil national de l’USFP tranche : le parti préfère basculer dans l’opposition plutôt que de s’allier au PJD. Les options deviennent de plus en plus limitées devant le Chef de gouvernement nommé, qui comptait sur une alliance avec la Koutla.
6 décembre. Le roi procède à la nomination de 28 nouveaux ambassadeurs. Des nominations qui n’ont pas transité par le Conseil des ministres comme le stipule la nouvelle Constitution. Pourtant, le Chef de gouvernement nommé ne bronche pas. Première couleuvre à avaler ?
7 décembre. Fouad Ali El Himma démissionne du PAM car il est nommé au cabinet royal. On devine dès lors sa première mission : mener les négociations avec Benkirane pour valider la nouvelle équipe gouvernementale.
11 décembre. C’est officiel, quatre partis composent la nouvelle coalition gouvernementale. Le PJD arrive en fait à convaincre l’Istiqlal, le Mouvement Populaire et le PPS en plus de quatre autres petits partis. Il était une fois la Koutla… Alors que le G8, c’est comme s’il n’avait jamais existé.
13 décembre. Le Chef du gouvernement nommé est à nouveau reçu par le roi. 50 minutes d’entretien à l’issu desquelles Abdelilah Benkirane déclare qu’il a tout dit au roi. Mais le souverain a-t-il fait de même ?
19 décembre. L’Istiqlalien Karim Ghellab est élu à la présidence du nouveau parlement. Le parti de la balance, en allié incontournable, avait imposé (et obtenu) cette condition avant de sceller son alliance avec le PJD. Et ce n’est que la première clause du deal.
24 décembre. Abdelilah Benkirane annonce que la liste de son équipe gouvernementale a été transmise au Palais pour validation. Après cette dernière sortie médiatique, il se met en mode silencieux. Bienvenue dans le monde taciturne du pouvoir !
26 décembre. Abbas El Fassi dément le fait que la liste du gouvernement ait été tranchée. Et, effectivement, rien n’est encore joué. Le Palais transmet au PJD des réserves au sujet de certains noms figurant sur la liste des ministrables.
1er janvier. Aziz Akhannouch démissionne du RNI, son parti d’accueil depuis qu’il est devenu en 2007 ministre de l’Agriculture (avant il était MP). Une seule et unique raison peut expliquer cette décision qui lui coûte son fauteuil de député : il rempile pour un nouveau mandat. Un nouveau ministère de souveraineté est né.
2 janvier. Un nouveau conseiller royal rejoint le gouvernement de l’ombre. Taïeb Fassi Fihri, ministre des Affaires étrangères sortant, revient au cabinet de Mohammed VI qu’il avait quitté en 2002. Maintenant que le Palais a son chef de diplomatie, ce département peut devenir un ministère politique.
3 janvier. Le roi reçoit à Rabat le nouveau gouvernement. 31 ministres composent la nouvelle équipe qui inclut cinq technocrates à la tête de départements sensibles, pour ne citer que le Secrétariat général du gouvernement ou encore la Défense. Et dire que Benkirane déclarait au lendemain de sa nomination qu’il ne lâcherait que les Affaires islamiques.

Passation. Investiture précoce
Le gouvernement Benkirane aurait-il péché par précipitation ? Les ministres fraîchement désignés ont-ils eu raison d’effectuer les passations de pouvoir dans la soirée même ou le lendemain de leur réception par le roi ? Selon plusieurs voix au sein de l’opposition, le nouveau gouvernement vient de commettre une entorse à l’esprit de la nouvelle Constitution. Cette dernière stipule en effet que le gouvernement n’est définitivement investi qu’après le vote de sa déclaration à la chambre des députés. “Cette précipitation pour entrer en fonction dénote de beaucoup d’amateurisme. Les ministres pouvaient très bien attendre le vote de confiance du parlement avant de rejoindre leurs postes. Le gouvernement fait de la sorte peu de cas de la nouvelle Constitution et de son esprit démocratique. Ce n’est pas rassurant pour la suite. En tant que parti d’opposition, nous sonnons l’alarme, mais nous ne sommes pas sûrs d’être entendus”, explique Abdelhamid Jmahri, membre du bureau politique de l’USFP. Quelle sera l’attitude des partis de l’opposition lors de la présentation de la déclaration gouvernementale devant les deux chambres du parlement ? “Le gouvernement actuel ne nous facilite pas la tâche. Sa précipitation réduit ce vote à une simple procédure protocolaire. Nous déciderons de la démarche à adopter dans les prochains jours”, conclut Jmahri.

Plus loin. Le roi a gagné…vraiment ?
La politique au Maroc est très simple : une trentaine de partis courent derrière des voix pendant cinq ans et à la fin, c’est le roi qui gagne. Allons droit au but : Mohammed VI est le grand vainqueur de ce processus de formation du gouvernement. Le PJD a pu transformer l’essai des législatives, il a même joué des coudes avec le Palais en imposant Abdelilah Benkirane, secrétaire général du parti, comme Chef de gouvernement. Mais il a dû très vite remettre la balle au centre. Le mode de scrutin ne permet pas à une formation politique de mener une action individuelle. Il faut passer par des alliances, prendre comme coéquipiers des partis plus royalistes que le roi. Le programme passe alors à la trappe et on suit le rythme des partenaires. Pire encore, en deuxième mi-temps, quand l’enfant prodige du Palais (Fouad Ali El Himma) entre sur le terrain des tractations, le Chef du gouvernement s’écroule. Se couche. Il se contente de défendre comme il peut son ministre de la Justice (Mustapha Ramid), laisse filer des ministères de souveraineté, accepte qu’un technocrate chaperonne son ministre de l’Intérieur politique. Bref, une véritable déculottée des barbus dans les arcanes du pouvoir. Mais attention, gagner un match ne signifie pas remporter le graal. Il y a toujours d’autres forces politiques sur le banc. Des islamistes d’Al Adl Wal Ihsane encore plus redoutables que les barbes lisses du PJD, une gauche toujours indisponible pour blessure mais qui peut à tout moment récupérer ses moyens et surtout une rue (incarnée par le M20), dont on n’est jamais à l’abri d’un sursaut d’orgueil. Jouer la montre n’est pas toujours la meilleure des tactiques… F.I.

mardi 17 janvier 2012

La Saga des Yata toujours au top, malgré la disparition du fondateur Ali et la mort d’un des Dupont

À : , Convergences

Objet : Quand Fahd YATA, ex. ou crypto-stalinien, s'érige en en défenseur d'une monarchie corrompue à partir de l'argument que le fric permet de tout acheter. Histoire d'une caravane et d'un chien de garde enragé


La Saga des Yata toujours au top, malgré la disparition du fondateur Ali et la mort d’un des Dupont


La mémoire des communistes marocains makhzénisés reste soigneusement entretenue par le seul survivant de la troïka, l’autre Dupont, l’ineffable Fahd YATA, plumitif patenté de la couronne.

Chez les Yata, la question de l’argent n’a jamais été saisie sur le terrain de la science, dite économique, comme le fait Marx des Manuscrits de 44 au Capital.

Comprendre, dans le fond, le secret de l’emprise terrible de cette altérité sur le corps social, car il y allait du sort même de l’émancipation de l’homme. Non, chez les Yata foin de matérialisme historique ou dialectique, on est avec l’argent dans une lecture psychanalytique.

L’argent n’a pas fait l’objet d’un désir infantile”, selon la formule lapidaire de Freud. En faisant court et pour aller au cœur de l’argumentaire de Fahd YATA, et à sa décharge, je dirais que c’est justement parce que l’argent n’a pas été primitivement ni fondamentalement désiré qu’il peut être “aimé”. C’est aussi parce que l’argent n’est pas objet de désir et de savoir qu’il a vocation à régler le transit du pouvoir.

Je laisse la liberté à Fahd YATA de voir avec son analyste le lien à la fois ambigu et déterminant, de l’argent et de l’inconscient. Ces réflexions préliminaires, me semblaient inévitables, pour souligner pourquoi et comment la quasi totalité du papier de Fahd YATA repose sur la problématique de l’argent; pour du fric, rien que du fric, comme il l’écrit si bien lui-même.

Encore un mot, pour comprendre l’approche “théorique” de Fahd YATA; il faut en effet reconnaître au clan Yata un sens de l’anticipation historique assez considérable pour être souligné avec force ici. Ali, le fondateur a fait plus fort et plus tôt que Gorbatchev avec la Perestroïka et la Glasnost.

Si, en URSS, il a fallu attendre la fin des années 80 pour passer directement du totalitarisme stalinien au règne de la maffia avec Boris Eltsine et Vladimir Poutine, au Maroc, avec Ali Yata, les “communistes” ont réussi une brillante transition d’un marxisme islamo-tropical à un neo-marxisme monarchiste, dès les années 70.

Ali YATA et les siens, se sont trouvés un puissant allié en la personne de Hassan II. Ce dernier, il est vrai, a dépensé sans compter pour Yata: le financement total de son journal Al Bayane en deux langues, celui de l’appareil et toute l’intendance du clan d’Ali. En échange, Ali Yata le communiste, est devenu le champion du chauvinisme national, ambassadeur itinérant dans tous les pays de l’Est pour défendre et expliquer la marocanité du Sahara Occidental, peu avant il s’était débarrassé de tous ses gauchistes, les donnant parfois directement aux flics du Roi.

Sa soumission à Hassan II ira jusqu’à suggérer au roi de bannir Abraham Serfaty, assurant de manière véhémente à Hassan II (devant témoin) que le juif révolutionnaire était brésilien.

Pour le reste et tout le monde connaît la musique, le PPS et Ali Yata ont toujours souffert d’une amnésie totale. Pour eux les années de plomb, Tazmamart , Kalaat Mgouna, au mieux c’était de la fiction d’idéologues des droits de l’homme, au pire de la propagande impérialiste.

Lire aujourd’hui sous la plume de Fahd YATA “que SM le Roi provoque la douloureuse catharsis sur les années de plomb” après avoir institué par dahir l’IER, relève de la forfaiture.

Ecouter le même Fahd, crier au scandale parce qu’un hebdomadaire marocain évoque la liste civile de M6, autrement dit, dévoile à l’opinion comment la maffia du Palais dépouille les richesses de tout un peuple, c’est un crime de lèse majesté.

La règle d’or dans la maffia, c’est le silence. Puisque Tel Quel a violé cette loi, que peut écrire Fahd Yata, sinon son tas d’immondices sur le fric, la concurrence déloyale. Pire encore, tout le bavardage de notre preux pisse-copie repose sur une base axiomatique étalée en toute innocence “la liste civile et le Budget royal sont des éléments constitutifs du cadre institutionnel et constitutionnel légal du Royaume du Maroc. Ses responsables savent pertinemment que les revenus royaux n’ont rien à voir avec les dotations budgétaires accordées au Chef de l’Etat, lequel bénéficie de ce droit comme tous ses homologues de par le monde, qu’ils soient monarques ou présidents !”

Ben voyons! Qui oserait mettre en doute la parfaite symétrie entre M6, le Roi Juan Carlos ou la reine Elisabeth!

En vous moquant, avec ce mépris qu’on vous sait, des petits revendeurs à la criée “qui font l’article à certains ronds points névralgiques de Casablanca en disant aux automobilistes”: "Achètes Tel Quel, y a un dossier sur le salaire du Roi, il gagne plus que tous les Marocains réunis"; vous écrivez, pauvre inconscient, peut-être la seule autre “vérité” de votre article.


Le but visé par Fahd Yata


L’irrévérence fera sans doute rire le premier intéressé, le venin, tout le venin de Fahd Yata est contenu dans sa formule : Le syndrome d’Iznogoud.

Le fric, Tel Quel, Le Monde, tout cela était du pipeau. Une introduction laborieuse pour la mise à mort fantasmée, l’estocade finale contre le Prince Moulay Hicham.

Je ne résiste pas au plaisir de vous citer intégralement pour qu’on vous comprenne mieux, Monsieur le Valet du Roi, “Tel Quel, enfin, qui sert complaisamment la soupe, à la faveur d’un entretien faussement enjoué, mêlant arabe dialectal et interjections populaires, à un exilé célèbre, aussi imbu de sa personne que méprisant pour tous ceux qui pensent différemment de lui, lesquels, pour certains du moins, n’hésitèrent pas à dire à " Monseigneur " qu’ils percevaient sa démarche critique comme l’expression avérée du syndrome d’Iznogoud.”

Nul doute, qu’à l’époque des soviets avec l’aide des copains de papa, vous auriez jeté ce Prince, même rouge, au Goulag!

Vous n’aimez pas Moulay Hicham et vous avez mille raison de le haïr. Vous qui êtes le spécialiste des équations du premier degré vous avez très vite compris, qu’il n’y a pas équivalence entre M6 et Moulay Hicham. Vous mesurez la différence abyssale entre un Roi qui hérite d’une souveraineté toute makhzénienne, qui flotte dans un habit qui n’est plus taillé à sa mesure, celui d’Amir el Mouminine (Commandeur des croyants) et un prince neo-légitimiste qui n’a d’autre volonté que celle d’arracher son pays à tous les archaïsmes.

Vous avez peur et on vous comprend! Peur de possibles Etats-généraux, peur d’une Constituante, peur de la démocratie et de l’émancipation de 30 millions de sujets. Et c’est cette trouille qui vous taraude, qui vous fait écrire maladroitement tout et n’importe quoi, pourvu que “Monseigneur” ce gêneur se taise, rentre dans le rang, se fasse phagocyter par ce makhzen avec lequel, vous et vos semblables, vous faites fusion.

Il vous faut déchanter, pauvre Fahd! Personne ne vend ou ne brade l’image du roi. Aux deux questions de votre confrère de Tel Quel, vous avez lu comme moi, les réponses éclairantes et cinglantes de Moulay Hicham. Je vous les retranscris pour mémoire:


Une monarchie peut-elle encore être "sacrée", au XXIème siècle ?

La démocratie et la sacralité ne sont pas conciliables. Voilà toute la problématique du système politique marocain. C’est une question qui nous touche tous.


Le système serait en péril si un jour, il ne reposait plus sur le sacré ?

Le système, oui. La question est maintenant de dissocier la monarchie du système califal, ou de faire évoluer ce dernier. Réformer la monarchie est le seul moyen de la pérenniser.”

Comme des milliers d’intellectuels marocains et arabes, je me tiens aux côtés de Moulay Hicham. Il symbolise tout le Maroc que nous voulons et qui n’est pas assurément semblable au vôtre.

Ahmed BENANI

Politologue

Lausanne, le 3 janvier 2005

PS: pour souligner tout le mal que je souhaite à Moulay Hicham, je vous renvoie à ma lettre à l’occasion de son 40e anniversaire




MAROC

LA NOUVELLE TRIBUNE

Nº 432 - 30/12/2005

Par Fahd YATA

Actualité [ 30/12/2005 ]

Pour du fric, rien que du fric

Quand Tel Quel vend et brade l’image du Roi

Croyez-vous aux coïncidences, au hasard, notamment en journalisme ? Croyez-vous qu’il est honnête d’utiliser la liberté de la presse sous prétexte de lever de prétendus tabous, alors qu’il s’agit en réalité d’engranger le maximum de fric en utilisant des procédés très peu éthiques


Lorsqu’un hebdomadaire s’attaque à la liste civile du chef de l’Etat, publie une interview du "Prince citoyen", mène une campagne agressive pour réaliser un chiffre d’affaires conséquent en insertions publicitaires pour le dernier numéro de l’année et clôture son édition par la présentation de ses tirages et ventes, doit-on croire qu’il s’agit-là d’une simple et anodine démarche d’un titre dérangeant et iconoclaste ?

Rien n’est moins sûr, surtout quand on prend la peine de gratter ce vernis superficiel qui recouvre si finement (trop finement sans doute) la démarche professionnelle de l’hebdomadaire Tel Quel, (qui n’a jamais autant mérité son nom) ! Car il nous apparaît tel qu’il est cet hebdo qui s’amuse à enfoncer les portes ouvertes et qui, s’appuyant sur l’ignorance crasse d’une partie de ses lecteurs, lesquels, bien sûr, ne connaissent pratiquement rien du contenu classique d’une Loi de Finances, se paye (dans les deux sens du mot) la personne du Roi, en étalant sur ses colonnes les détails de la liste civile du Chef de l’Etat et le Budget de la Maison royale.

Une démarche journalistique, d’investigation, d’information que celle de Tel Quel ? Que nenni ! Une démarche mercantile, pour faire du fric, et rien que du fric, comme le prouve la campagne agressive à laquelle s’est livré ce titre tout au long de la semaine dernière en direction des annonceurs, en proposant des ristournes pour des insertions dans le numéro double de fin d’année. Nos pourfendeurs des abus de l’appareil sécuritaire, nos adeptes d’une attitude " soft " envers les islamistes, nos donneurs de leçons sur tout et sur rien, nos concombres masqués de cette presse qui fait la joie des élites (dé)branchées de la bourgeoisie analphabète démentiront-ils qu’ils ont assailli de coups de téléphone et de courrier nombre d’entreprises locales et étrangères en proposant " des réductions majeures, jusqu’à 75 % du tarif, pour une insertion dans un numéro spécial sur le salaire du Roi " ?


Le syndrome d’Iznogoud


Démarche déontologique que celle-ci qui conduit à présenter ce qui est public et officiel comme des " documents inédits ", alors qu’on double le tirage et qu’on insiste auprès du distributeur pour une présentation " soignée " du numéro tout au long de la quinzaine à venir ? Au point où certains revendeurs à la criée font l’article à certains ronds points névralgiques de Casablanca en disant aux automobilistes: "Achètes Tel Quel, y a un dossier sur la salaire du Roi, il gagne plus que tous les Marocains réunis".

Un numéro double pour aller passer de joyeuses fêtes de fin d’année, celles-là même que le triste Raïssouni condamne, tandis que Tel Quel se plait à défendre les partisans de l’intolérance. Tel Quel qui prétend qu’on torture les islamistes à Témara et qui, sans pudeur, insère plusieurs pages de publicité pour boissons alcoolisées, de Johnnie Walker à la " Cuvée Première du Président " en passant par " Eclipse de Sahari, un vin d’exception "…

Tel Quel qui précise que "les chiffres ne sont pas sacrés" et qui nous prouve, dans le même temps, que l’argent n’a pas d’odeur, ni de goût…

Tel Quel, enfin, qui sert complaisamment la soupe, à la faveur d’un entretien faussement enjoué, mêlant arabe dialectal et interjections populaires, à un exilé célèbre, aussi imbu de sa personne que méprisant pour tous ceux qui pensent différemment de lui, lesquels, pour certains du moins, n’hésitèrent pas à dire à " Monseigneur " qu’ils percevaient sa démarche critique comme l’expression avérée du syndrome d’Iznogoud.

Après avoir quasiment accusé le Maroc d’être à l’origine de l’assassinat de Hicham Mandari (qualifié aujourd’hui de " crime presque parfait "), publié les " bonnes feuilles " d’Ignace Dalle salissant la mémoire de deux Souverains, l’hebdomadaire en question (au fait, à qui appartient-il vraiment, ce titre qui prône la transparence et qui se fait très discret sur son actionnariat depuis l’été dernier ?), fustige dans un encadré tous ceux qui ont pu bénéficier de "dotations royales " et autres subventions.

Tel Quel n’a-t-il pas reçu, il y a quelques mois, les largesses d’une institution étatique sous couvert de la réalisation d’un numéro spécial sur le tourisme au Maroc ?

N’était-elle pas bienvenue cette " aide " d’un office alors que les actionnaires de l’époque rechignaient devant la nécessité de procéder à une énième augmentation de capital pour renflouer les caisses de l’hebdo ?

Oublié ce temps-là depuis l’arrivée d’un actionnaire généreux et ingénieux, un spécialiste de la presse hexagonale, une " perle " rare dans le Landerneau médiatique marocain…

Parce qu’au Maroc existe effectivement cette liberté de la presse pour laquelle les "blancs becs " n’ont jamais rien subi, parce qu’il ne saurait être question de laisser le fric et la diffamation emporter les valeurs fondatrices d’une presse libre et responsable, quelques vérités seront ici énoncées.

Tel Quel, sans honte ni pudeur, a monté une lamentable opération de marketing en exploitant la personne du Roi, son statut et les droits qui y sont afférents. En proposant des insertions au rabais (repoussées d’ailleurs par plusieurs annonceurs, étrangers notamment, qui n’ont pas voulu associer leur image ou leur nom à cette opération), en prenant en otage d’autres institutionnels qui se trouvent piégés par des ordres d’insertion donnés bien avant la "confection" de ce numéro, l’hebdomadaire Tel Quel trompe et triche, parce qu’il sait, tout comme nous, que la liste civile et le Budget royal sont des éléments constitutifs du cadre institutionnel et constitutionnel légal du Royaume du Maroc. Ses responsables savent pertinemment que les revenus royaux n’ont rien à voir avec les dotations budgétaires accordées au Chef de l’Etat, lequel bénéficie de ce droit comme tous ses homologues de par le monde, qu’ils soient monarques ou présidents !


Money !


Mais, parce qu’il faut vendre espaces et exemplaires, parce que le lectorat local est, y compris dans les sphères "éclairées ", connu pour son manque de culture et de connaissances, on a délibérément choisi de brader la personne du Souverain, en parlant fric pour faire du fric! C’est à cela que sert cette liberté de la presse chère aux rédacteurs de Tel Quel…

Et dans le même temps, comme le prouve la complaisance du quotidien parisien Le Monde, toujours prompt à s’associer à toute démarche anti-monarchique, on se fait complice d’une opération délibérée de sape et de dénigrement des actions les plus nobles et les plus courageuses de l’Etat. Car, comme le comprendront tous ceux qui ont quelque jugeote, au-delà du dossier à sensation sur " le salaire du Roi ", c’est l’entretien avec le Prince Moulay Hicham qui constitue en fait le cœur véritable de ce "numéro double".

En effet, sous le couvert d’une interview " sympa ", l’autoproclamé exilé se livre à une attaque en règle contre la récente initiative de l’IER destinée à donner au peuple marocain l’occasion de se réconcilier avec un passé aussi lourd que méconnu de la plupart de nos concitoyens.

Tandis que SM le Roi provoque la douloureuse catharsis sur les années de plomb, que Tazmamart et Dar El Mokri sont évoqués en direct à la télévision marocaine, Moulay Hicham et Tel Quel chipotent, ratiocinent, critiquent et proposent, tout simplement, de faire précéder la démarche de l’IER "d’élections fondatrices " au motif que " ces auditions ne sont pas une armature assez solide pour un processus de réconciliation complet ". Ni plus, ni moins !

C’est donc la destruction délibérée d’une action unique en son genre à l’échelle du monde arabe et de la communauté islamique que vise le Prince Moulay Hicham, accompagné des preux journalistes de Tel Quel. Parce que SM le Roi a voulu cet exercice aussi courageux que salutaire pour l’approfondissement de la démocratie et l’ancrage pérenne d’une véritable culture de respect des droits de l’Homme, parce que les victimes parlent enfin de leurs traumatismes, de leurs souffrances, un trio, composé d’un hebdo, d’une petite organisation gauchiste (l’AMDH) et d’un opposant avéré à la règle de la primogéniture, se constitue pour tenter de casser une courageuse dynamique totalement inconcevable, il y a à peine cinq ans.


Comme Bob et Al


Et Le Monde, bien évidemment, de prendre le train en marche, pour récupérer à Casablanca et Rabat les lecteurs qu’il a perdus à Paris, en faisant avec Tel Quel ce qu’il fit avec Le Journal avant que cet hebdomadaire ne rentre dans le rang, que ne quittent le navire ses distingués capitaines, partis " étudier " à Londres ou New York, et que se manifeste une nouvelle ligne éditoriale qui a fait perdre à ce titre sa raison d’être.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on ne craindra pas de prédire qu’une telle mésaventure arrivera tôt ou tard à d’autres, à ceux qui n’ont d’objectif que les maladroites tentatives de sape et de sabotage quand il s’agit à la fois de construire le pays, de développer ses infrastructures, de rehausser le niveau de vie général, de conforter la démocratie, d’accepter de revisiter dignement un passé qui ne sera plus omis ou ignoré.

Faire de l’information sur du vent n’a jamais duré très longtemps.

Vendre et brader l’image du Roi pour un si piètre résultat, Tel est pris Qui croyait prendre !


Fahd YATA


LA NOUVELLE TRIBUNE

Hebdomadaire marocain paraissant le jeudi - Directeur de la publication: Fahd Yata

320 BD Zerktouni, angle rue Bouardel - Casablanca - Maroc

00 212 22 20 00 30 (7 lignes groupées) 00 212 22 20 00 31 courrier@lanouvelletribune.com

De : BENANI AHMED

Répondre à : Maroc_citoyen@yahoogroups.com

Date : Sat, 01 Jan 2005 03:46:43 +0100

À : Maroc 21

Objet : [Maroc_citoyen] "D émocratie et sacralité sont inconciliables" la totalité des propos de My Hicham, le prince "en dissidence" malgré lui. Un bol d'oxygène dans un climat politique délétère (A.BENANI)


http://www.telquel-online.com/156/interrogatoire_156.shtml

TELQUEL



N° 156-157

Samedi 1 Janvier 2005




Par Driss Bennani


"Démocratie et sacralité sont inconciliables"


Antécédents

Moulay Hicham

Prince

1964. Naissance à Rabat

1981. Départ aux États-Unis pour études

1983. Décès de son père, le prince Moulay Abdallah

1995. Signe un article sur les régimes arabes dans Le Monde Diplomatique, rupture avec le Palais royal

1996. Observateur aux élections palestiniennes

2000. Un hélicoptère russe le dépose à Pristina (Kosovo)



Smyet bak ?

Le prince Moulay Abdallah.


N’âam sidi ! Smyet Mok ?


Lamia Riad El Solh.


Ce n’est pas dans les habitudes de la maison, mais smyet Ould âmmek ?

Wa dsara hadi ! Sa Majesté Mohammed VI.


Allah i barek f’aâmer sidi ! Nimirou d’la carte ?

Je n’en ai pas. Je n’ai jamais été la récupérer.


Vous avez quoi comme pièce d’identité, alors ?

Mon permis de conduire et mon passeport.


Nimirou d’lpasseport, donc ?

(De mémoire) 51 55 A.


Ok. Prince rouge, prince des lumières, prince démocrate… ces dénominations flattent-elles votre ego ou vos convictions ?

Ni l’un ni l'autre. Ce sont des dénominations simplistes, des raccourcis utilisés pour la reconnaissance ou la distinction. Quant à moi, je me considère comme un citoyen marocain.


Comme moi ?

(Après réflexion) Oui, comme vous.


Etes-vous vraiment interdit de palais ?

Oui, depuis 1995. J’y suis retourné entre 1997 et 1999 pour voir mon oncle dans le cadre de visites strictement privées, où il n’y avait que lui et moi. La dernière fois, j’y ai assisté aux funérailles de feu Sa Majesté Hassan II


A quand remonte votre dernier contact avec Mohammed VI ?

A Septembre 1999. Il a frappé à ma porte lors du baptême de ma fille en me disant : "tu ne m’invites pas, alors ?". J’ai répondu qu’on n’invite jamais le chef de famille, qu’il est toujours chez lui.


Et depuis, plus rien ?

Je ne l’ai plus jamais revu. Une délégation m’a rendu visite pour m’informer que j’étais, à nouveau, interdit d’accès au palais royal.


Vous dites avoir été victime de persécutions policières, jusqu’où cela est-il allé ?

Je dis que j’ai fait l’objet d’une gestion sécuritaire. Je ne suis pas une victime.


Le prince que vous êtes ne pouvait donc pas faire cesser tout cela ?

Ce n’est pas une question de personnes. Je n’ai pas été seul. D’autres groupes, dont des journalistes, ont connu cela aussi. Je me suis d’ailleurs toujours posé la question de savoir s’il s’agissait d’une décision politique ou d’une autonomisation de quelques lobbies.


Vous parlez d’autres personnes et de journalistes. Vous n’estimez pas qu’un prince a quand même droit à une "gestion" particulière ?

Peut-être, mais elle n’en sera alors que plus grave.


Vous accusez le général Laânigri d’être derrière cette cabale. Qu’est ce qui vous permet de l’affirmer ?

C’est du passé. J’ai dit ce que j’avais à dire. J’en reste là. Disons qu’en 3 ans, on a tous pris de la bouteille… (Sourire)


Pourquoi n’avez-vous pas réagi quand une partie de la presse marocaine vous insultait ?

Ça ne m’a pas choqué. J’ai vu des gens tirer sur mon père et mon oncle. Et j’ai traîné mes guêtres dans pas moins de 3 guerres civiles. Ces réflexes de courtisan ne m’impressionnent pas. Ce que j’en ai retenu, c’est un dysfonctionnement grave, qui aurait pu dégénérer La raison d’être du courtisan est de se prévaloir en flattant le prince. Ça, ça ne changera pas.


Vous reconnaissez-vous en tant que dissident de la monarchie marocaine ?

Si dissidence il y a, ce serait un état de fait qu’on aura créé. Quand j’ai commencé à me définir politiquement dans les années 90, il me semblait, comme à d’autres, que la monarchie faisait son aggiornamento. Cette institution n’étant pas monolithique, je me considérais être un élément de cette diversité. Encore récemment, cela a déchaîné des réactions très violentes. Je suis donc un dissident malgré moi.


Vous êtes un prince progressiste, revanchard ou joueur ?

Revanchard ? Non, je ne le suis pas. La revanche découle de la haine. Très tôt, j’ai appris que c’était le sentiment le plus fort chez les hommes. Qu’il faut le maîtriser, sinon il vous contrôle. Progressiste ? Oui, et je suis joueur à plus d’un égard.


Vous pensez à quoi ?

Au jeu, au Fun Game. C’est un trait de la famille. The game must go on.


Vous avez déjà fait jouer votre rang de prince ?

Si j’avais voulu le faire, j’aurais scotché mes fesses sur la chaise à côté de feu Sa Majesté Hassan II.


A gauche ou à droite ?

J’ai toujours été ailier gauche.


Vous avez dit que vos frère et sœur sont "parfaitement makhzénisés". C’est un tort ?

Je ne l’ai jamais dit.


Bien. Le sont-ils ?

Allez leur demander vous-même.


Depuis tout jeune, vous avez toujours fait votre vie ailleurs. Un prince ne peut-il pas avoir de carrière au Maroc ?

J’ai passé deux décades à essayer de concilier mes convictions et ma réalité. Je ne suis pas arrivé à faire grand-chose. Quand j’ai quitté le Maroc, et ce n’était pas un exil, je voulais prendre du large. J’ai réalisé que ma présence était contre-productive pour tout le monde. Qu’elle gênait le roi et la famille et qu’elle parasitait les vrais démocrates. La distance arrangeait donc tout le monde. Aujourd’hui, je me considère culturellement et identitairement Marocain. Mais ma vie est ailleurs.


C’est parce que vous ne vouliez pas ressembler au genre de prince qu’a été votre père aux côtés de Hassan II que vous êtes parti ?

L’expérience de mon père aux côtés de Hassan II m’a beaucoup appris. Mais les situations ne sont pas analogues. Moulay Abdallah était le compagnon de lutte de Hassan II. Le soldat inconnu, c’est d’ailleurs comme ça que j’appelle sa tombe, comme me l’a suggéré un chef d’État en fonction que je ne nommerai pas. Maintenant, les temps ont changé.


L’histoire a été injuste à l’égard de votre père ?

(Silence ému…) Ce n’est pas dans une interview qu’on peut développer un thème pareil.


Il paraît qu’après la mort de votre père, vous vous êtes autoproclamé chef de votre petite famille. C’est vrai ?

Non. Mais disons qu’à 19 ans, je me suis retrouvé dans des souliers beaucoup plus grands que les miens. À essayer, de manière honorable et satisfaisante, de remplir une partie des fonctions protocolaires de Moulay Abdallah aux côtés de son frère. A continuer d’être le réceptacle de beaucoup de monde pour qui mon père était un conduit vers Hassan II. Et finalement, à être le grand frère d’enfants en bas âge. J’ai fini par dire à mon oncle : "je préfère être votre troisième fils plutôt que votre frère". Je voulais vivre ma jeunesse. Plus tard, j’ai eu des remords de ne pas avoir été assez présent pour mon frère et ma sœur. J’ai rattrapé cela 15 ans après. C’est peut-être mon plus grand accomplissement.


Comment ça se passait, avec Hassan II ?

Ce fut un défi terrible que de vouloir vivre ma vie, en Amérique en plus, face à un oncle traditionnel et autoritaire, voulant ramener le neveu dans son giron, dans la pure tradition islamique. Résultat : des pressions énormes qui se sont déployées de manière contradictoire sur 15 ou 20 ans.


Votre séjour aux États-Unis est à l’origine de votre complexe de supériorité ?

Plutôt à l’origine de la confiance en moi-même et de mon self esteem qui peuvent effectivement mener à un complexe de supériorité. Heureusment qu’on m’a assez secoué pour me faire garder les pieds sur terre.


Hassan II est un personnage qui vous fascine ?

Un personnage qui m’a marqué. J’ai perdu mon père à l’âge de 18 ans, Hassan II a donc, de facto, été mon père pendant 16 ans. Cela veut dire que j’ai presque autant vécu sous Moulay Abdallah que sous Hassan II.


En avez-vous gardé des séquelles ? Par exemple, vous arrive-t-il d’être hassanien ?

J’ai politiquement ouvert les yeux avec Moulay Abdallah. Mais ma vraie politisation a été mûrie aux côtés de Hassan II. Une grande partie de ma personnalité s’est forgée parce que j’ai été autonome par rapport à lui. Cela n’a pas été facile.


Vous avez la réputation d’être un piètre businessman…

Je ne suis pas un golden boy, si c’est ce que vous voulez dire. Ça ne m’a jamais réussi. Comme pour beaucoup d’autres choses, je n’ai jamais vraiment pu me développer au Maroc. Mais je gagne bien ma vie à l’étranger.


Vous êtes riche ?

Ça reste relatif.


TelQuel réserve sa couverture cette semaine au salaire du roi. Et le vôtre ?

Certainement largement inférieur au sien. Mon salaire me permet de vivre décemment.


Seulement ?

Disons confortablement.


Vous percevez un salaire de l’État ?

Un jour, lors d’une partie de chasse, mon oncle m’a convoqué pour me dire : "vu ton goût pour les westerns, tu n’auras qu’un dollar troué". Et il me l’a donné ! Je l’ai encore, d’ailleurs. Aujourd’hui, je vis de mon travail, au Maroc et en dehors du Maroc. Mon père a également laissé un patrimoine dont une bonne partie a été spoliée par des courtisans, et même des grosses pointures…


Lesquelles ?

La règle, c’est de ne pas donner les noms des tortionnaires, c’est ça ? (éclat de rires)


Un prince qui s’ouvre à la presse est un prince bavard ou transparent ?

Peut-être les deux. Aujourd’hui, c’est vous qui avez absolument tenu à ce que je vous parle.


Un ministre français avait dit : "un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne". Et un prince ?

Un prince ne fonctionne pas dans le cadre d’une formation gouvernementale.


Vous réclamez le droit de vous exprimer "librement, sans obligation de réserve, sans renoncer à votre rang princier" Vous n’arrivez pas à choisir ?

Je me suis souvent posé cette question. Quand bien même je renoncerais à mon titre, il y aurait toujours quelqu’un pour répliquer : "ah, mais on ne renonce pas à une filiation biologique !". À un moment, j’aurais chanté "Frère Jacques" à la sortie de la prière du vendredi, on aurait parlé d’incitation à la révolution


Vous financez Le Journal ?

Non.


Et Al Ayyam ?

Non plus.


Vous avez pourtant prêté à deux de ses actionnaires le montant de leur participation au capital…

Il m’est souvent arrivé d’aider des entrepreneurs qui voulaient se lancer dans les affaires. Dans ce cas, ces gens m’avaient dit qu’ils lançaient une affaire en Espagne.


Ils vous ont floué ?

Non.


Ils vous ont remboursé, alors ?

En partie, oui.


Vous avez déjà proposé à Mohammed VI de gouverner à ses côtés ?

Jamais. Ni de près ni de loin.


Pourquoi pas ?

Mon éducation ne me permet pas une telle insolence.


"Le Maroc, pays démocratique" est une déclaration qui vous irrite ?

Non, pourquoi est-ce qu’elle m’irriterait ? Ça dépend de ce que vous voulez dire par "démocratique".


Qui permettrait aux Marocains de vivre pleinement leur citoyenneté…

J’aurai une réponse académique : un régime est démocratique quand il a connu une transition et qu’il est en voie de parachever une consolidation. Nous ne sommes pas dans ce cas de figure.


Vit-on normalement quand on vit dans un palais, quand des personnes de l’âge de vos parents se courbent à votre passage et vous embrassent l’épaule 20 fois par jour ?

Non. C’est une déformation terrible de la réalité. S’il n’y a pas de contact avec le monde extérieur pour rattraper cette déformation, on vit dans une bulle. Ça peut même mener à la destruction.


Une monarchie peut-elle encore être "sacrée", au XXIème siècle ?

La démocratie et la sacralité ne sont pas conciliables. Voilà toute la problématique du système politique marocain. C’est une question qui nous touche tous.


Le système serait en péril si un jour, il ne reposait plus sur le sacré ?

Le système, oui. La question est maintenant de dissocier la monarchie du système califal, ou de faire évoluer ce dernier. Réformer la monarchie est le seul moyen de la pérenniser.


Vous avez connu Hicham Mandari ?

Oui, j’ai dû le rencontrer deux ou trois fois dans ma vie.


Il revendiquait une filiation alaouite, et ça ne vous a pas fait réagir. Pourquoi ?

à quel titre aurais-je dû réagir ? Je ne représente que moi-même. Je m’occupe de ma personne.


Par contrainte ou par choix ?

Par choix. Je n’aurais pas été aussi bien dans ma peau, sinon.


Les auditions publiques de l’IER ont commencé cette semaine Vous croyez à une réconciliation par le témoignage ?

Oui, mais je crois que c’est insuffisant. Il faut aller jusqu’au bout de la démarche. Ces auditions ne sont pas une armature assez solide pour un processus de réconciliation complet. C’est très important mais ça ne peut qu’accompagner la transition. Commencer par ça, c’est inédit. Normalement, on commence par une réforme de la chose institutionnelle, par des élections fondatrices, etc. Maintenant, quelques éléments de la société civile ont voulu faire évoluer le système de l’intérieur. D’autres ont peut-être cherché à l’infiltrer, pour le faire entrer dans un engrenage intenable, tout en contradictions. Ce n’est pas pour autant qu’il faut crier au scandale. Sauf que je me demande comment on peut parler de tout cela alors qu’Amnesty et Human Rights Watch viennent de relever des atteintes sérieuses aux droits humains, et que des livres sont encore interdits au Maroc…


Rien n’a donc changé, selon vous ?

La question est de savoir si les dispositions prises après le 16 mai sont le fruit d’un dysfonctionnement de la sécurité face à une menace d’un nouveau genre, ou si on reconduit l’approche sécuritaire classique, cette fois contre une opposition islamiste. La question, pour moi, reste ouverte.


Vous croyez au salut par la société civile ?

Avant, on contrôlait le champ politique par la cooptation de ses acteurs. Aujourd’hui, on coopte la société civile, comme vous dites, pour stériliser le politique. La logique des systèmes a la vie dure.


Vous trouvez normal que Driss Basri soit privé de son passeport ?

Je ne connais pas le détail de l’argumentaire des uns et des autres concernant la question du passeport. Quant à M. Basri, la question qui se pose est : veut-on le juger pour ses actes ? Dans ce cas, il n’y a pas que lui qu’on devrait juger. Si ce n’est pas le cas, il peut jouir de sa liberté, et même se présenter aux élections. Aux Marocains, alors, de choisir.


Quand vous parlez de jugement, vous pensez à votre oncle ?

Je ne trouve pas que la gestion du legs de Hassan II obéit à une démarche claire. La monarchie est un système politique basé sur la continuité. Aujourd’hui, il y a une envie de scinder Hassan II en "bon" et "mauvais". Le "mauvais" qu’on attaque, sans jamais le nommer, pour construire la légitimité du nouveau règne. Et le "bon", qui constitue le socle confortable et imperturbable sur lequel repose la monarchie. Je pense à l’édifice institutionnel et à l’appareil administratif qui permettent au roi de gouverner tranquillement. L’exercice a ses limites.


Jeune Afrique a titré sur vous "l’homme qui voulait être roi". Comment avez-vous pris ça ?

Je me suis bien marré. Les posters dans la rue m’ont impressionné. C’était du Michaël Jackson sans Michaël Jackson.


Pourquoi votre bureau est-il si discret ? Qu’espériez-vous trouver ? Une petite guérite de flics, au moins ?

(Rires) Je m’estime heureux de ne pas avoir été embarqué par ces flics dont vous parlez.


A qui le doit-on si, après la mort de Hassan II, le Maroc n’a connu ni dictature des généraux ni émeutes sociales ?

À la maturité des Marocains, et à l'espoir suscité par le nouveau règne.


Qu’aimeriez-vous qu’on dise de Moulay Hicham quand il ne sera plus de ce monde ?

Qu’il a modestement, à côté d’autres Marocains qu’il a eu l’honneur de côtoyer, œuvré pour une troisième voie, entre la monarchie absolue et l’aventure, quand une fenêtre historique s’est ouverte.


L’Histoire ne retient malheureusement que les essais transformés…

Exact. Machiavel disait : la politique, c’est aussi la fortuna (chance). Et les peuples ne meurent jamais.

© 2004 TelQuel Magazine. Maroc. Tous droits résérvés



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A l’occasion du 40e anniversaire du Prince Moulay Hicham

(4 mars 2004)




Moulay Hicham, Prince Citoyen


Pardon d’être iconoclaste et de vous le dire avec toute mon affection, il y a quarante ans vous êtes né Prince pour devenir citoyen, sans doute le premier citoyen de notre pays. Il y a ceux qui ont confondu succession de trône et changement de régime, néo-makhzen et movida, Perestroïka et Glasnost. Beaucoup, parmi vos admirateurs ou vos détracteurs, vous ont prêté le rôle d’un Deus Ex Machina de la scène politique marocaine. Le sujet marocain souffre toujours du pathos de confier à un homme, une autorité inconditionnelle, en ne sachant pas que c’est la racine même de la tyrannie totalitaire.

Vous avez pris une distance salutaire, le temps de vous « ressourcer » selon votre déclaration, on ne peut que vous donner raison ; en somme vous vous retrempez dans l’intelligence du monde. Votre parcours jusqu’ici, témoigne d’une extraordinaire lucidité. Vos recherches, vos écrits, vos prises de position, pour celles et ceux qui ont en retenu l’essence savent en conscience qu’ils s’inscrivent dans une espérance qui nous est commune : l'émergence d'une société civile où l’individu-citoyen devrait commencer à faire l'apprentissage de l'autonomie responsable vis-à-vis d'un État qui serait alors en relation de réciprocité de droits et de devoirs avec les citoyens dont il devient l'émanation. Vous nous rappelez sans cesse que cette évolution ne s'est produite dans aucun des régimes arabes, et que c’est toujours l'autoritarisme de l'État patrimonial qui prime.

Moulay Hicham, Prince Citoyen, prend date avec l’Histoire, innove, s’expose, il fait un job que la lourde tradition makhzenienne réprouve. Quelle secousse ! Quelle brèche aussi, et pour la colmater quoi d’autre que la bonne vieille logique sécuritaire ! En prenant du champ, vous avez pris de la hauteur, la dérision elle, est restée dans les mêmes cercles. Chacun peut relever que la légitimité politique continue de fonctionner sur des valeurs de groupe englobantes, calamiteuses et mystifiantes; elle exclut le statut de citoyenneté en opérant ou en tentant d'opérer une fusion entre société et appareil d'État, entre le peuple et le Roi.

C’est un bonheur infini pour moi de vous avoir connu, de savoir que vous existez et, comme je vous le dis souvent en plaisantant à moitié, mais à moitié seulement, j’attends le jour où nos compatriotes sentiront en quoi ils vous sont redevables, comment ils doivent vous mériter. Ce don symbolique, est synonyme d’un travail de longue haleine. Un débat, que vous avez eu l’audace et le mérite d’initier. Un débat démocratique continu, libre, ouvert aux grands problèmes internes de notre société aussi bien qu'aux défis permanents de la vie internationale, de l'économie mondiale, de l'ordre - ou désordre politique et militaire, de la philosophie libérale, des stratégies géopolitiques, des mutations idéologiques, de la sécularisation, etc. Les hommes et les femmes capables de nourrir ce débat ne manquent pas, mais il n'y a ni les cadres sociaux qui le transformeraient en un mouvement politique ou intellectuel significatif, ni des espaces institutionnels qui l'amplifieraient tout en garantissant la pertinence. On retrouve la question de l'individu-citoyen qui cherche à émerger, mais qui ne trouve pas de points d'appuis solides ni dans la société, ni dans les diverses sphères de l'expression du pouvoir, ni dans une culture figée ou silencieuse à l’orée de la modernité.

Moulay Hicham, vous avez quarante ans aujourd’hui et moi un espoir, celui d’assister de votre vivant à l’éclosion d’un Maroc nouveau pour lequel vous avez nourri, avec nous, les rêves les plus fous !

Votre ami et compagnon, Ahmed BENANI


Lausanne, le 6 février 2004




lundi 16 janvier 2012

Le Maghreb face aux défis islamistes /étude 1994 /partie II

Le POLISARIO, quant à lui, vit et gère un certain nombre d'acquis diplomatiques qui sont loin d'être négligeables. Le 27 février 1976, il a proclamé la RASD (République Arabe Sahraouie Démocratique). La même année, la RASD est accueillie comme 51ème membre de loua. Ce qui a, d'ailleurs provoqué au moment où elle y siégea officiellement (20ème sommet de novembre 1984) le retrait du Maroc, membre fondateur. Aujourd'hui, la RASD est reconnue par 76 États.

On peut donc dire que le conflit est dans l'impasse et malgré les appels réitérés de l'ONU et de loua aux deux parties (Maroc et POLISARIO) d'entamer des négociations directes et bien que celles-ci eurent lieu (à Marrakech, le 3 janvier 1989) aucun progrès significatif n'a été marqué.

Néanmoins, une décrispation des rapports maroco-algériens a été notée, plus particulièrement sous le régime de Chadli Benjedid (rétablissement des relation diplomatiques en 1976, deux sommets à Zeralda en juin 1988 et à Marrakech en février 1989). Cette décrispation a connu une évolution significative lors de l'éphémère présidence du HCE (Haut Comité d'Etat) en 1992 par Mohamed BOUDIAF, avant qu'il ne soit assassiné et qui, de l'avis de tous les observateurs, avait parmi ses objectifs prioritaires le règlement définitif de la question du Sahara (règlement qui signifiait la reconnaissance de la marocanité du territoire).

L'évolution interne de l'Algérie, les déclaration intempestives de Hassan II, stipulant en substance qu'il n'est pas nécessairement hostile à l'arrivée des islamistes au pouvoir, les accusations mutuelles de complot, les attentats réels ou imaginaires commandités par l'un ou l'autre des États, les agissements des officines secrètes, la fermeture des frontières, l'exigence des visas, etc...... sont autant de mesures qui indiquent combien la situation est redevenue très tendue entre les deux États et combien la question saharienne peut représenter un enjeu et un moyen pouvant être utilisé à des desseins dont la gravité demeure insoupçonnable. Chacun sait que dans des phases de crise, les nationalismes exacerbés sont des dérivatifs tentants. La seule note d'espoir, mais là aussi il convient d'être prudent, c'est la volonté de la communauté internationale exprimée par l'ONU d'organiser un référendum d'autodétermination au Sahara Occidental[55]. La voie reste semée d'embûches; les parties concernées ne s'accordant ni sur les chiffres ni sur les modalités de la consultation. Les Sahraouis veulent que la consultation prenne en considération les évaluations des populations réalisées par l'Espagne en 1974 et les populations réfugiées à Tindouf (sud-ouest algérien), tandis que les Marocains considèrent ces réfugiés comme leurs citoyens séquestrés et veulent également que soient concernées par la consultation, les populations civiles qu'ils ont opportunément installées au Sahara depuis 1975.

Si l'agitation diplomatique demeure intense au sujet de ce territoire, son sort en dernière instance reste puissamment hypothéqué par l'évolution interne des deux régimes, celui de l'Algérie pesant beaucoup plus lourdement sur la balance.

8. Les gestions de la contestation Islamiste

Y a -t-il un moyen aujourd'hui de gérer la contestation islamiste? A vrai dire aucun, en suivant de près le cas algérien on peut affirmer que le "tout sécuritaire" pour reprendre une formule significative des médias n'a eu jusqu'ici que des effets contre-productifs. En cette fin d'année 1994, on peut même risquer le pronostic d'une prise de pouvoir islamiste à très court terme. Sans préjuger des formes, de la durée et des alliances que signifiera ce pouvoir, on peut, avec plus de rigueur, évoquer trois modèles de réponses étatiques au(x) défi(s) islamiste(s):

8.1 Le modèle égyptien

Depuis l'ère nassérienne, la stratégie des différents gouvernements consistent à bouter hors de l'espace politique les islamistes radicaux et à intégrer dans le tissu institutionnel les éléments modérés sans pour autant leur ouvrir l'accès aux postes clés. Depuis la création de l'association des frères musulmans par Hassan Al Banna, les islamistes occupent une place centrale dans la vie politique égyptienne sans pour autant qu'elle soit exclusive, ce qui en clair signifie que les autres forces politiques et les élites culturelles laïques en particulier ont les coudées franches. Dans le cas de l'Égypte, l'islamisme se développe au travers d'un paradoxe intéressant; il a un ancrage historique et social qui est sans doute le plus important du monde arabe d'une part, et il est confiné dans un rôle subalterne au niveau du jeu politique. Cette situation en cours depuis quatre décennies implique toutefois une gestion de crise permanente. Les régimes égyptiens et en particulier celui de Moubarak, ne peuvent en effet faire l'économie du cycle infernal terrorisme-répression, cycle incertain et qui, de surcroît, suppose des élites politiques unies sur l'essentiel. La violence dont font usage à la fois les islamistes et l'Etat, ces trois dernières années en particulier, indique les limites d'un tel modèle.

8.2 Le modèle jordanien

A une ressemblance patente avec celui d'Algérie du moins à son début. Le pouvoir jordanien a en effet comme l'algérien, légalisé la mouvance islamiste. Mais en institutionnalisant la militance islamiste, les autorités jordaniennes se sont démarquées de leurs homologues algériennes, elles ont effet obligé les islamistes à s'insérer dans le jeu parlementaire et à élaborer des projets politiques compatibles avec le principe de "gouvernementalité" dominant institué par la monarchie hachémite[56]. Les islamistes jordaniens ne considèrent pas le pouvoir du monarque comme impie, au contraire ils en avalisent la légitimité religieuse, leur objectif reste comme partout ailleurs l'islamisation de la société par l'application de la chari'a.Pour l'heure, ils sont enfermés dans le jeu institutionnel, ils sont minoritaires au parlement; on comprendra donc que le résultat de leur stratégie reste mitigé: en deux législatures ils ont perdu beaucoup de terrain. Mais l'évolution de la situation régionale et en particulier le statut de Jérusalem peuvent parfaitement leur offrir un terrain favorable de croissance et le moyen de s'imposer comme force politique incontournable.

8.3 Le modèle marocain

C'est sans doute le plus éloquent, le plus complexe et le plus atypique aussi. L'origine chérifienne de la dynastie alaouite, a permis au monarque marocain de renforcer considérablement ses acquis symboliques qui constituent un champ politico-religieux extrêmement hiérarchisé. Champ dans lequel la monarchie actuelle joue le rôle d'un acteur hégémonique qui détermine, proportionnellement à son crédit symbolique, la place que peuvent y occuper les autres acteurs. Sa légitimité est supposée transcender la classe politique, les aléas de la conjoncture et se confondre avec la personne "sacrée" du roi.

Cette légitimité relève donc de plusieurs registres.

-Scripturaire ( Coran et Sunna )

-Contractuelle ( Bey'a )

-Historique (descendance Chérifienne ).

Il s'agit là de trois registres différents qui ne sont pas nécessairement concordants et méritent d'être clarifiés sommairement [57]

La légitimité scripturaire relève de la question du khalifat ou de l'Imamat, comprise ici comme la nécessité religieuse d'un chef (Imam) qui guide la communauté (Umma) et protège le Dar-al-Islam (espace acquis à la Loi Vérité du Coran ). Sans entrer dans une savante digression théologique, on peut avancer que ni le Khalifat, ni l'Imamat ne peuvent justifier ou expliquer l'occupation par la monarchie marocaine de tout le champ politique. D'autant que la version orthodoxe du Khalifat ne fait pas du Khalife le dépositaire du pouvoir normatif qui n'appartient qu'à Dieu.

La légitimité contractuelle comme son nom l'indique s'articule à la notion de contrat et ressort d'un registre plus positiviste qui semble être orienté vers la raison d'Etat ou de notion d'Etat de droit.

La légitimité historique enfin est invoquée dans le double sens d'une historicité dynastique et d'une historicité mystique et hagiographique par référence au Prophète et à sa chaîne symbolique.

Dans le contexte marocain, la sacralité se veut une synthèse de la légalité et de la légitimité.

Elle singularise une instance qui suscite la crainte et invite au respect; elle est l'expression de la suprématie inconditionnelle et souveraine d'un acteur politique (Hassan II) sur les autres acteurs qui est réalisée, grâce à la fusion de trois "raisons": la raison d'Etat, la raison divine et la raison historique.

Après l'indépendance du pays scellée en 1956, on verra progressivement se mettre en branle un processus d'homogénéisation des rapports symboliques, le roi devenant entre autres le dépositaire de l'essentiel du pouvoir symbolique, référant à la fois à sa légitimité historique et à l'institutionnalisation "moderniste" du régime. Le monarque n'est plus investi par les uléma selon la bey'a , il devient le producteur initial et exclusif de la symbolique définissant les normes du champ politico-religieux. Il s'agit là d'une mutation structurelle dans l'historicité même du pouvoir exécutif qu'il convient d'appréhender à partir de la dynamique de légitimation constitutionnelle. Dans le milieu des années soixante et compte tenu des très grandes mutations qu'a connu la formation sociale marocaine depuis la fin de la colonisation, une question de fond commençait à préoccuper les sphères dirigeantes de ce pays : la légitimité quasi divine du souverain, lisse et fonctionnant sans aspérité, pouvait-elle suffire à susciter une forme de consensus de la société civile. Pour les sociologues avertis du caractère très composite de la société la réponse était négative, bien que les attitudes puissent varier selon que l'on prenait en compte les acteurs du champ religieux ou les autres, ceux particulièrement engagés dans les formes de luttes politiques à caractère laïque. C'est sur cette toile de fond que la légitimité de type légale-rationnnelle (constitutionnaliste) allait intervenir en complément en somme de la précédente. Par rapport à cette nouvelle norme et contrairement au souverain, les élites "modernistes", qui pensent et agissent dans le cadre de l’Etat-nation , dans lequel selon eux doivent s'enraciner le pluralisme politique et la démocratie, se situent d'entrée de jeu en rupture avec tout dessein de continuité. Par quel cheminement est-on arrivé à cette forme de syncrétisme politique, qui aujourd'hui à son tour, a réactivé les acteurs du contre-champ et leur idéologie islamiste utopiste- messianique?

Le tandem pouvoir-légitimité demeure plus complexe qu'on ne le croit à priori. De manière raccourcie, on peut parler cependant de son caractère concentrique, cybernétique diront d'autres. Au centre de ce pouvoir, il y a un noyau dur représenté par le monarque et la famille chérifienne. Cette première enveloppe est celle de l'Imamat ; la seconde au-delà de la fonction religieuse, présente le roi comme le chef du Makhzen[58] (constitué par un ensemble de familles liées depuis plusieurs générations à la dynastie Alaouite, le roi y dirige des hommes de vieilles familles caïdales qu'il utilise aussi bien en informateurs qu'en agents modérateurs); enfin le monarque est chef suprême des armées. L'Armée dès sa constitution devenait l'armée du roi. La devise des FAR est :"Dieu, La Patrie, Le Roi". Le serment d'allégeance est prêté non à la "Patrie", mais au Roi; le corps militaire s'appelle non "Forces Armées Marocaines" ou "Armée Nationale Marocaine", mais bien "Forces Armées Royales". Cette exclusivité royale du contrôle de l'armée constitue un des fondements légitimatifs essentiels de la monarchie. Le processus légitimateur source d'une ahurissante concentration de pouvoirs ne se fonde pas uniquement sur des facteurs scripturaires, hagiographiques ou "contractuels", il transite nécessairement par un jeu subtil où la ruse le dispute souvent à la coercition suave quand ce n'est pas la répression brutale.

Dans ce dernier volet et par rapport au strict registre religieux nous exposerons très rapidement les attitudes des acteurs du contre champ, ce dernier comportant aussi bien desUléma , des organisations politiques que des mouvements associatifs ou confrériques musulmans.

Si dans le passé le poids des uléma était non négligeable dans le processus de la bey'a en particulier et qu'ils jouissaient d'une relative autonomie politique, à l'heure de la "modernité" tout allait changer.

Ces mandarins dont la culture devenait décadente et pour le moins formaliste se verront très vite intégrés à la fonction publique par volonté tactique et stratégique du Prince dont le souci est de conserver toute l’initiative religieuse.

L'Etat les transforma en fonctionnaires gérant le patrimoine Habous[59] , et leur prestige comme leur hiérarchisation sociale cessèrent de relever exclusivement du degré de leur savoir, de leur rhétorique ou de leur audience auprès des citoyens pour dépendre de l'échelonnement établi par leurs ministères de tutelle. Trois facteurs sont généralement avancés pour expliquer l'érosion de leur fonction symbolique dans la cité : 1.- un bon nombre d'entre eux se seraient compromis avec les autorités coloniales , cette compromission serait d'autant plus grave que les Uléma avaient décidé la déposition de deux sultans Abd el Aziz et Mohammed ben Youssef (Mohammed V avec la bénédiction de la résidence générale et du Glaoui)

2.- un nombre non moins important avait été intégré au corps des Qadi (juges religieux) et auxiliaires des tribunaux du Chra', enfin plus près de notre époque leur marginalisation est expliquée par un 3 ème facteur évoqué par le roi lui-même :" Je ne sais et je ne veux pas savoir, vénérables uléma, à qui ou quoi, à vous, à l'administration, à la politique ou aux programmes, doit être imputé votre absence dans la pratique quotidienne marocaine (...) Messieurs, nous payons ensemble, enfants, jeunes, adultes et vieux, le prix de ce phénomène, car dans les universités et établissements secondaires, en guise d'enseignement de l'Islam, on n'évoque plus que les causes de rupture des ablutions et d'invalidité de la prière et on n'analyse guère le système économique, social, véritablement socialiste de l'Islam; étudiants et élèves n'apprennent plus que la religion est d'abord rapport entre les hommes....."[60]

Affaiblis numériquement oublieux de leur fonction politique, les Uléma n'en continuent pas moins d'intéresser l'Etat Chérifien qui les "invite" à participer plus activement à la formulation des normes religieuses devant régir la cité. Un Dahir (décret) a été promulgué qui "consacre" et "affermit" les recommandations que les Uléma pourraient faire aux institutions de l'Etat. Un Haut Conseil des Uléma présidé par le roi, coiffe dorénavant ces docteurs de la loi, bien entendu c'est le Commandeur des Croyants qui en définit les attributions et fixe le rôle de ces hommes de Dieu. Voici dans quels termes le roi Hassan II leur a dispensé ses conseils :" J'attends de vous que vous soyez non seulement des professeurs dispensant la connaissance, mais aussi des animateurs de cercles intellectuels(... ) Nous devons savoir une fois pour toutes que les conseils n'ont rien à voir avec les serments de prédication (...) La prédication n'est pas de vos attributions (...) Le rôle du 'alim ne peut se limiter à dénoncer le mal(...) Vos interventions doivent ne pas être celles de uléma en face d'un gouvernement tant il est vrai que le gouvernement et les uléma constituent une seule et même famille. Religion et monde d'ici bas s'interfèrent. Le jour où un Etat musulman séparera religion et monde, ce jour-là, si jamais il doit venir, justifierait que nous célébrions d'avance les obsèques d'un tel Etat..."[61]

La centralisation de la légitimité religieuse instituée comme pôle par la monarchie a fini par ôter définitivement toute initiative politique aux uléma. Le monarque à la fin des années soixante-dix s'est employé fermement à les confiner dans un rôle de gardien de l'"orthodoxie religieuse" et non de la chari'a. En définitive, ces "spécialistes" du sacré sont réduits aujourd'hui à la gestion du culte et non plus chargés de produire de l'idéologie ou un discours voire une éthique politico -normatifs. Les uléma se voient assignés une série de tâches pratiques: animation de chaires de prédication dans les mosquées (3 prônes hebdomadaires) axés sur des thèmes moraux, sociaux et religieux, lecture de conférences dans les lycées et facultés. Cette mainmise du palais sur tout le champ religieux se manifeste également par la gestion et le contrôle des lieux de culte. L'encadrement, délégué au ministère des Habous, au haut conseil des 'Uléma se manifeste diversement selon qu'il s'agisse de mosquées publiques ou privées. Les imams des cinq prières sont désignés par le ministère des Habous sur proposition des uléma et avis favorable du qadi. Ce même ministère contrôle le contenu des prônes, dont les thèmes sont spécifiés impérativement dans les mosquées publiques et suggérés dans les privées .

Mais quoiqu'il puisse en coûter au budget de l'Etat, l'instrumentalisation de la fonction symbolique comprise dans cette division et spécialisation du travail doit se faire; signalons qu'au début des années quatre-vingt on recensait au Maroc : 22 lycées dits d'enseignement originel, 4 facultés et un institut supérieur.


Deuxième partie

1. Maroc-Algérie:

Analyse comparative de leur évolution économique

Au début des années 90, alors que l'Algérie était au bord de l'implosion, son voisin de l'ouest le Maroc affichait un optimisme, eu égard aux tentatives de recomposition du paysage économique menées par l'ensemble des pays maghrébins depuis le début de la décennie précédente. La crise économique mondiale combinée à la montée des périls intérieurs avaient en effet contraint les deux pays les plus importants de la région à procéder à des révisions importantes de leurs politiques économiques conçues au début des années soixante. Les plans d'assainissement financier engagés par Rabat sous la pression du Fonds Monétaire internationale et de manière plus autonome par Alger qui n'en a pas moins bénéficié de prêts substantiels de la Banque Mondiale, peuvent être analysés à partir de trois grands facteurs:

-la chute des cours mondiaux des phosphates et des hydrocarbures, matières qui constituent respectivement leurs principales ressources;

-le gonflement de la dette extérieure[62] consécutif à la politique systématique d'investissements par le recours à l'emprunt pendant les années soixante-dix;

-la détérioration des équilibres financiers interne et externe (déficits alarmants des budgets et des balances des paiements).

Il pourrait sembler surprenant que deux pays aux potentialités et aux structures différentes en soient arrivés presque au même point après une trentaine d'années d'indépendance. L’analyse comparative de leur évolution politique et économique explique cet apparent paradoxe.

Dès l'accession à leurs indépendances politiques (Maroc en 1956, Algérie en 1962) les deux pays adoptent des stratégies différentes de transition économique. Le passage de l'ordre colonial à celui de la souveraineté nationale consista en Algérie en une option idéologique monolithique (socialisme étatiste), "seule" apte à assurer au moyen d'un "développement autocentré", l'indépendance économique et politique du pays. Socialisme à vocation autogestionnaire sous Ben Bella (1962), puis étatisation de l'économie sous Boumediene (1965) avec un facteur clé: la priorité donnée à l'industrie, au détriment de l'agriculture. Cette stratégie volontariste ne tenait, jusqu'à une certaine mesure, que par le financement tiré de l'exploitation des hydrocarbures. Quand le premier choc pétrolier intervint en 1973 avec un prix du baril au plus haut et donc des disponibilités de liquidités impressionnantes, les choix économiques adoptés semblaient être les meilleurs. L'Algérie d'alors "savourait son pain blanc".

Au Maroc, par contre, la transition s'articulait autour de deux perspectives formellement contradictoires: introduction graduelle d'une dose de marocanisation, maintien du modèle de croissance colonial, édification d'une économie nationale, selon le modèle libéral.

Ces stratégies dites d'indépendance, furent en général admises par les couches les plus démunies, lesquelles accordèrent une certaine légitimité au discours des élites, discours axés sur la reconquête de la dignité, le droit, à la terre, au travail, à l'éducation, à la santé...

Plus de trente années plus tard, ces "projets d'édification nationale" sont toujours à l'ordre du jour, avec quelques variations ,et, la demande sociale de plus en plus frustrée et impatiente.

1.1 Algérie

De toutes les crises qu'a connue l'Algérie, celle que subit actuellement sa société restera indiscutablement marquée par un profond désenchantement depuis la moitié des années quatre-vingt. Il y a peu de temps, l'Algérie de Boumediene-Benjedid croyait encore en un projet "d'émancipation nationale", grâce à la rente pétrolière et au référent symbolique de la guerre de libération, au miracle prométhéen d'un capitalisme d'État et d'une "industrie industrialisante". Aujourd'hui force est de constater que ces quatre valeurs politico-imaginaires ont gravement failli, et qu'elles n'ont pas été en mesure d'amortir ni le choc de la modernité ni celui de la crise internationale que nous connaissons.

Parmi les faits marquants de l'Algérie des années quatre-vingt-dix, nous en retiendrons deux:

- Après 28 années de confiscation de la volonté populaire par le F.L.N., les événements d'octobre 1988 à juin 1990[63] débouchèrent immédiatement sur l'effondrement de la légitimité et de la domination du Parti-Etat. Mais en réalité, comme le souligne l'historien algérien Mohamed Harbi[64], c'est dès 1978 que "l'Algérie commence à découvrir les limites de l'étatisation de la société. La différenciation sociale accélérée, la corruption, les luttes intestines contribuent à éroder le mythe nationaliste aux yeux des générations nouvelles que le développement démographique a transformées en majorité. Face à un pouvoir qui revendique son statut au nom du passé, et non des résultats, la demande de la participation à la direction du pays se fait plus pressante". Le processus dit démocratique ou l'idéologie de rechange, initié dès 1990 restant au demeurant, surveillé étroitement par l'appareil militaire, ce qui a rendu la guerre civile larvée à laquelle nous assistons quasi inéluctable.

- Et durant cette même période, alors que le désenchantement politique s'exacerbait, la situation économique continua d'accumuler les handicaps d'une gestion néo-patrimoniale et anarchique du potentiel national, aggravant encore sa dépendance extérieure, a telle enseigne que la quasi-totalité des 9 milliards de dollars du revenu du commerce extérieur est absorbée par le seul service de la dette[65] .

1.2 Maroc

Structurée par un État monarchique omniprésent durant les années soixante, l'économie marocaine, conciliant libéralisme et essor du secteur public, est frappée par une profonde crise à la fin des années 70'. Elle débouchera, à partir de la première moitié de la décennie 80', sur l'instauration d'une politique d'austérité dictée par les programmes classiques de l'ajustement structurel. Ainsi, incapable de faire face aux charges de la dette extérieure, le Maroc sera sommé d'appliquer les premières mesures du P.A.S. (programme d'ajustement structurel), dès l'été 1983. Ces mesures sont "d'ordre budgétaires et monétaires : réduction des investissements de l'État et des créations d'emplois dans la fonction publique, pression sur les salaires, baisse des subventions à la consommation, stricte contrôle de la masse monétaire, relèvement des taux d'intérêts, poursuite de la dépréciation du dirham...et conjointement à cette action de stabilisation, a commencé une restructuration de l'économie ayant pour objectif d'en "augmenter la rentabilité et l'efficacité" ainsi que le potentiel d'exportation"[66]

Loin de favoriser les mécanismes de productivité inhérents au marché capitaliste libéral et une politique budgétaire restrictive[67], le programme d'ajustement structurel inscrit dans la tradition "libérale" de l'État patrimonial marocain, profite exclusivement aux bourgeoisies affairiste, bureaucratique, et à leurs clientèles.

L'ajustement structurel et son corollaire endémique de la dette ne cesseront de peser lourdement sur l'érosion du pouvoir d'achat des Marocains tout en aggravant l'état de déliquescence sociale. Plus de la moitié de la population vit depuis les années soixante au-dessous du seuil de pauvreté, selon les affirmations de la Banque mondiale[68].

Dans cette présentation, il sera surtout question d'une énumération interprétative de quelques paramètres socio-économiques des deux pays; paramètres déterminants dans l'articulation crise économique/difficulté d'une perspective de modernité politique.

ALGÉRIE

MAROC

Réf.

INDICATEUR

Unité

1975

1988

1990

1993

1975

1988

1990

1993

Produit Intérieur Brut

milliard $

14,2

55,8[69]

9,0

18,2

27,5

croissance annuel

%

~ 7

0,8

2,9

5,5

10,1

4,4

2,5

par habitant

1 $

850

2.560[70]

2.270

1940[71]

520

1042

Structure du P.I.B.( a+i+s = 100 %)

agriculture

%

7

22,7

15

industries

%

35

28,1

33

services

%

43

49,2

52

Dette extérieure

milliard $

4,5

22

24

26

1,8

14,6[72]

21

21,5[73]

service de la dette

milliard $

0,6

5,8

8

8,7

service de la dette/exportation

%

87

66

75

33,2[74]

28,5

dette/P.I.B

%

48,2

50,4

66,4[75]

78 .

taux d'inflation

%

9,0

9,3

30 [76]

11,2

2,3

7,2

Dépenses de l'État / PNB

éducation

%

7

4,8

7,4

santé

%

1,6[77]

5,5

3,4[78]

3,2 13

défense

%

2,7

6,1

4,5

Importations

milliard $

10,0

13,2[79]

7,4 [80]

Exportations

milliard $

10,8

15,8[81]

5,0 [82]

Hydrocarbures

milliard $

3,3[83]

8,5

9,8[84]

Balance commerciale

milliard $

0,8

2,6 [85]

Tourisme

milliard $

1,24

Transferts des émigrés

milliard $

2 [86]

2. Le Système productif en Algérie

La stratégie de développement adoptée par les planificateurs des deux premières décennies de l'indépendance, portait prioritairement sur l'industrialisation de l'économie algérienne. Elle se fondait essentiellement sur la manne des hydrocarbures, potentiel naturel et financier à même de procurer, par importation, des biens d'équipement et de consommation. Ce choix a conduit à privilégier le secteur industriel avec sa logique industrialiste[87], au détriment d'une politique agricole, d'ailleurs incohérente et ambivalente pour des raisons de légitimité politique. En effet, suite aux balbutiements populistes du pouvoir Benbelliste, à travers l'autogestion agricole étatisée (1962-1965), le "redressement révolutionnaire" de 1965 se devait d'inventer son champ de légitimité (Révolution agraire) nourri, toutefois, de la même prégnance idéologique. La révolution agraire est " la réalisation de l'idéologie populiste d'une partie des membres de l'appareil politique dominant l'État à l'époque, soutenue par les membres "industrialistes" de cet appareil qui, eux, souscrivaient de façon abstraite, c'est-à-dire sans tenir compte de l'état réel des campagnes et de leur liens avec le reste de l'économie, aux théories exposant la nécessité des réformes agraires pour un développement rapide" (Bédrani S., 1992:83)

2.1 Les politiques agricoles: bilan

Pays au climat aléatoire et à dominante aride, l'Algérie dispose, sur les 2,4 millions de kms2 de son territoire, d'une superficie agricole utile d'à peine 3 %, et qui est estimée à 7,5 millions d'ha dont plus de 3 millions d'ha sont annuellement en jachère. Mais la qualité de cette terre est loin d'être homogène. Aussi, si l'on tient compte de la pluviométrie, la qualité et la topographie des sols, il apparaît que les zones d'intensification maximale n'excèdent pas le million d'ha [88].

Contrairement au mythe, complaisamment répandu à l'époque coloniale, d'une "Algérie à vocation agricole" et ou d'une "Algérie garde manger de l'Europe", ce pays n'a vu sa production agricole que très faiblement augmenter depuis son indépendance (juillet 1962) alors que sa population s'est fortement accrue, de sorte que la production alimentaire par habitant a évidemment baissé. l'Algérie n'a donc pas cessé de se heurter à l'insuffisance de ses capacités alimentaires. Et face à l'exiguïté des terres agricoles et les insuffisances hydrauliques, les décideurs politiques ont élaboré plusieurs plans de réformes et une révolution agraire.

Après le départ précipité des anciens colons et le sabotage[89] des outils de production, le gouvernement avait opté, en 1963, pour une restructuration de l'exploitation des " terres hâtivement abandonnées (...) et organisées en fermes autogérées selon, grossièrement le modèle yougoslave" (Bédrani, 1992:82). La production fut moyennement maintenue, jusqu'au moment où la centralisation bureaucratique commença à marginaliser le paysan, devenu un simple citoyen-exécutant, des centres de décisions et d'orientation de la production agricole par l'État. La fin de cette décennie fut marquée par un constat d'échec tant de l'organisation autogérée et du secteur privé de l'agriculture que du rendement agricole qui, dans le meilleur des cas, a stagné alors que la croissance démographique grimpait avec un taux de natalité de 155‰ en 1965. A partir de 1972, la Réforme fut remplacée par "la Révolution agraire" qui visait l'accroissement de la production et de la productivité de la terre, tout en prêchant pour une certaine justice sociale dans les couches paysannes. Le résultat à la fin des années 70' sera quasiment identique à celui des années 60'. Durant les années 80', d'autres politiques moins "révolutionnaires" furent mises en oeuvre remettant, néanmoins, en cause les précédentes, par le biais de la libéralisation marchande. Aujourd'hui, suite aux échecs successifs de sa politique agricole, l'Algérie doit acheter à l'étranger 70 % de son alimentation contre 27 % au milieu des années 60'.

Tableau : 1

Secteur agraire en 1971 avant la révolution agraire

Superficies

Secteur autogéré

Secteur privé

en ha et en %

Domaines

Superficie

Exploitation

Superficie

Sans terres

18,6

0

Moins de 10 ha

1,9

1,1

67,0

33,9

De 10 à 50 ha

13,4

35,0

De 50 à 200 ha

9,3

-

0,9

11,2

Plus de 200 ha

88,8

98,9

0,1

19,9

Source : Secrétariat d'État au plan, Alger.

Cité par P. Eveno, 1994:82

Tableau : 2

Structure agraire en 1986 selon les secteurs juridiques

Secteur privé

Secteur socialiste

Surfaces utiles en M. ha

5,1

2,8

Nombre d'exploitations

800.000

3.415

Moyenne des superficies

6 ha

830 ha

Moyenne des effectifs

2 actifs

40 actifs

Superficie moyenne par actif

3,2 ha

20,6 ha

Source : P. Eveno, 1994:83.

Si l'on retient la production céréalière, principale gamme de produits qui entrent pour une très grande part dans la consommation populaire, sa capacité à couvrir les besoins est passée de 80 % en 1963 à seulement 30 % ces dernières années.

Cette situation d'insuffisance ne cesse de s'aggraver, et elle n'apparaît pas comme le fait exclusif de l'essor démographique des années 80. La variable démographique déjà retenue par les planificateurs de la politique agricole n'explique pas tout. Non seulement l'effort de rendement agricole ne suit pas la croissance de la population, mais il tend plutôt à régresser depuis 1955 et surtout à partir de 1974.

Il en va de même pour la variable hydrologique. L'agriculture demeure dépendante de la pluviométrie, et l'on relève une défaillance chronique de la politique hydraulique de l'État. Le périmètre irrigué, qui a été évalué en 1962 à 320.000 ha, n'a depuis, augmenté que de 4,6 %[90]. Ainsi en 1991, où l'eau du ciel a été abondante, le rendement a été triplé par rapport aux années précédentes.

A l'instar des échecs des politiques agricoles, la pêche algérienne a vécu plusieurs déroutes politiques et bureaucratiques. La première épreuve remonte à 1962 avec le départ précipité de la principale corporation de l'époque formée essentiellement d'Italiens et d'Espagnols, la seconde arrive avec la vague des nationalisations des années 70 qui augmenta la production de papiers administratifs au détriment des étals de poissons. L'actualité maritime reste cependant marquée par un taux grandissant d'immobilisation des unités de pêches fautes de pièces de rechanges.

Aujourd'hui, l'Algérie représente le plus faible taux de consommation de poissons au Maghreb, avec 3 kg par habitant/an, et ne dépasse guère les 100.000 tonnes de poissons malgré une mer moyennement poissonneuse[91] .

Tableau : 4

Algérie :

Évolution des productions céréalières entre 1955 et 1993

Indicateur

Unité

1955

1974

1988

1990

1991

1993

Blé

1.000 tonnes

1.300

1.091

614

1.005

1.741

1.100

Orge

1.000 tonnes

707

331

390

680

1.750

900

Total

1.000 tonnes

2.007

1.422

1.004

1.675

3.490

2.000

Source : P. Eveno, 1994:86

Populiste et volontariste, l'esprit de l'interventionnisme étatique en matière agricole oeuvrait surtout pour une certaine soumission du monde paysan et rural à la logique de l'industrialisation de l'économie et plus généralement l'imposition d'une conception urbano-industrielle du développement.

Mais comment ces logiques développementalistes des années 60', au-delà de leur fonction manipulatrice, ont-elles reconfiguré le profil industriel de l'économie algérienne ?

2.2 La politique industrielle

En 1962, le secteur industriel était fort disparate et peu développé. Il représentait à peine 28 % de la Production Intérieure Brut (M. Ollivier, 1991:113), il était néanmoins lié au fonctionnement des secteurs, agraire et alimentaire, à celui également de la construction des mines et de l'énergie ( les découvertes des gisements d' hydrocarbures étant alors à leur début).

La stratégie de développement adoptée par le nouvel État indépendant portait avant tout sur la mise en valeur des ressources pétrolières, dont les retombées financières devaient servir à l'implantation d'une industrie lourde, capable de transformer les richesses naturelles et de fournir tous les biens d'équipement à long terme. Cette stratégie supposait un développement économique dit autocentré, dont l'industrie devait être le principal moteur[92]. Le développement autocentré avait comme vocation "la valorisation extérieure des ressources naturelles du pays, l'investissement productif dans tous les secteurs d'activités, dans le but de construire une économie intégrée [...], enfin un énorme effort de promotion sociale par le développement de l'école et la création d'emplois productifs dans toutes les régions du pays" (Ollivier M., 1992:116-117).

C'est ainsi que furent créées les deux principales sociétés nationales ( la SONATRACH pour les hydrocarbures et la SNS pour l'industrie lourde), et que fut prise la décision de nationaliser les mines, les banques et enfin les hydrocarbures en 1971. L'édification du tissu industriel va également reposer pour l'essentiel sur l'importation du modèle clés en main, et du savoir-faire européens. Loin de constituer une réelle base d'émancipation nationale, ce choix technologique maintiendra l'effort industriel dans la dépendance en ne répondant qu'aux seuls besoins d'équipement du très court terme.

Durant les années 70', alors que le choc pétrolier de 1973 s'est avéré très favorable à l'Algérie, des dérapages dans l'industrialisation du pays commencent à se manifester: les gigantesques chantiers industriels enregistrent de graves retards d'exécution et d'importants dépassements dans les budgets planifiés. La part des investissements allouée au secteur industriel représente 60 % contre 13 % à l'agriculture. Il faut attendre la brève embellie du début des années 80' pour trouver enfin un important rendement de la production industrielle, un accroissement des ressources en devises grâce à l'augmentation des exportations d'hydrocarbures et le cours élevé du dollar.

Évolution des revenus des hydrocarbures de l'Algérie (en milliards de dollars U.S.)

1973

1974

1979

1980

1983

1985

1986

1987

1988

1989

1990

Revenus du pétrole

1

3,3

7,5

12,5

9,7

9,2

5,2

5,5

Total hydrocarbures

7,8

8,5

8,5

10

9,8

Sources : Hireche Assia, 1990:1150

En 1986, les retombées de la crise économique mondiale vont frapper de plein fouet la fragile santé économique de l'Algérie. Coup sur coup, le prix du pétrole chute et le cours du dollar baisse, aggravant de la sorte ses capacités d'importation et le fardeau de la dette. Depuis, les caisses de l'État sont vides. Pour s'en convaincre il suffit de souligner qu'en 1990 les 10 milliards de dollars que lui rapportent ses hydrocarbures (98 % des exportations)[93]suffisent à peine à rembourser les services de la dette.

Cette décennie sera marquée d'une part, par l'incapacité du pays à absorber la masse des équipements installés, et d'autre part, par la faiblesse des effets d'entraînement escomptés de "l'industrie industrialisante" sur le reste du système productif, surtout sur l'agriculture. L'ampleur des sacrifices et des efforts tant sollicités et alloués dans la contrainte par la société civile, paraissent au grand jour fort disproportionnées au vu de ces résultats. Ainsi, aussi bien de l'intérieur de l'appareil administratif que dans la société civile, se développe un discours critique et violent quant au rôle économique de l'État comme producteur et régulateur du système économique.


3. Le système productif au Maroc

3.1 La politique agricole

la politique agricole a été l'élément fondamental de l'ensemble des plans de développement élaborés depuis l'indépendance. Et suivant l'orientation privilégiée d'une économie ouverte au marché extérieur, la vocation agricole du Maroc se scinde, en une "économie à deux vitesses", une culture rentière, prioritaire, et une culture vivrière délaissée dans ses limites naturelles et structurelles. Cette configuration dichotomique des structures agraires a eu pour conséquence de marquer la société en profondeur dans le sens où la priorité accordée aux périmètres irrigués, lieu d'une agriculture moderne marchande, a été soutenue par la politique hydraulique, " au détriment des zones d'agriculture pluviale où vivent la majorité des agriculteurs : 80 % du total ". (Pascon et Ennaji, 1986:106). Entre 1965 et 1985, les périmètres irrigués, de moins de 10 % de la Surface agricole utile (S.A.U.), ont absorbé plus des 2/3 des investissements publics destinés à l'ensemble de l'agriculture marocaine (voir tableau suivant) et ce au profit des cultures rentières et exportatrices.

Investissements publics totaux réalisés (moyenne 1965-1985)

%

1965 - 1985

Part agriculture totale

28,6

Part Barrages

9

Part équipement des périmètres irrigués

11

Superficie agricole utile totale (M. ha)

7,8

Superficie des périmètres irrigués (M. ha)

0,5

Source : Tableau établi par l'auteur d'après: Chorus Driss, 1992:120.

Une agriculture moderne : une culture rentière.

Sur la base de la politique de modernisation déjà engagée par la colonisation, l'État continua à développer de grands périmètres irrigués par la multiplication des ouvrages hydrauliques modernes[94]. Les objectifs d'alors visaient à développer les cultures d'exportation, contribuer à l'autosuffisance alimentaire et freiner l'exode rural.

Occupants 10 % des surfaces agricoles et générant 45 % de la Production intérieur brute (P.I.B.) agricole totale (Khrouz, 1992:121), l'agriculture irriguée a été accompagnée par la mise en place et le développement d'industries agro-alimentaires (oléagineux, sucre, coton).

Les 14 sucreries du pays ont produit 138.855 tonnes de pulpe de betterave et 144.822 tonnes de mélasse en 1986, pour couvrir à hauteur de 65 % la consommation nationale qui est estimé à 30 kg par personne (Khrouz, 1992:145).

La capacité de raffinage nationale des huiles végétales est de l'ordre de 340.000 tonnes en 1988. Les 14 raffineries couvrent à peine 7 % de la demande en 1988 contre 2,8 des besoins entre 1980 et 1984.

Cependant si la culture rentière a un impact certain sur la modernisation d'une partie des facteurs de production agricoles, les coûts sociaux, financiers et de dépendance technologique sont de plus en plus importants. Parmi les effets pervers de l'interventionnisme moderniste de l'État " les subventions pénalisent les petits exploitants et les couches à revenus réduits qui n'ont pas les moyens d'une agriculture marchande spécialisée...(ainsi)...ils ont aggravé les disparités sociales, le chômage et alourdi le poids des programmes d'ajustement structurel"[95].

La modernisation de l'agriculture n'a fait que renforcer l'inégalité foncière et la paupérisation des paysans. Si bien que la réforme agraire n'a guère répondu aux attentes exprimées par les couches sociales concernées. L'État marocain et l'oligarchie foncière ont récupéré entre 1966 et 1973 les terres des colons par le biais de sociétés d'État (SODEA et SOGETA)[96], et une forte concentration foncière là où des investissements en irrigation sont réalisés. En fin de compte, en manipulant la réforme agraire au profit de l'élite rurale, la monarchie a sacrifié ainsi la modernisation de l'agriculture marocaine.

L'agriculture vivrière

La culture vivrière est située dans les zones pluviales dites "bour". Elle couvre environ 4,5 millions d'hectares. Délaissée par les décideurs politiques des grands investissements publics (seulement 3 % entre1973 et 1980), cette agriculture est restée caractérisée par la faiblesse des moyens de production et par la prépondérance de la petite exploitation. Là où surtout 1,4 millions de foyers ruraux sont sans terre ou insuffisamment pourvus (Pascon et Ennaji, 1986:35).

Exclusivement céréalière, son rendement est faible du fait des aléas de la pluviométrie, de l'organisation de l'exploitation et la faiblesse des intrants utilisés[97]. Tributaire surtout de "l'eau du ciel", on peut récolter jusqu'à 80 millions de quintaux, lors d'une bonne année comme celle de la campagne 1987-88, et n'atteindre que difficilement les 40 millions. Au cours d'une année moyenne, l'orge représente à lui seul plus de 50 % de la production céréalière, viennent ensuite le blé dur et tendre, le maïs et le sorgho. En 1992, lors d'une nouvelle sécheresse, la production des céréales a enregistré une très forte chute à 28 millions de quintaux contre 85 millions de qx en 1991.

La pression démographique et les défaillances structurelles de l'agriculture marocaine, font que pour arriver à satisfaire la demande locale, le recours à des importations de plus en plus importantes, en moyenne 50 %, demeure la règle.

Ainsi sous l'effet du poids financier, politique et social du déficit alimentaire, l'État va opérer de nouveaux choix depuis le début des années 80'. L'argument financier milite dans le sens du désengagement de l'État en tant que premier producteur et financier du pays. L'interventionnisme étatique s'avère dorénavant incompatible avec le renforcement du libéralisme. Par la même, la privatisation des principales sociétés publiques s'accélère, la SODEA et la SOGETA, fleuron de la modernisation ont été bradées au profit de " certains capitalistes privés selon des procédures encore inconnues malgré les controverses que ce problèmes soulève dans le pays depuis deux années"[98] .

Sur le plan social, une profonde déstructuration de l'exploitation familiale, outre les écarts de revenus et des disparités sociales qui ont frappé les milieux sociaux ruraux, a libéré des offres de main d'oeuvre jeune et exigeante et qui s'en va dès lors gonfler le taux du chômage et une urbanisation déjà explosive.

3.2. La politique industrielle

Considéré comme le grenier de la métropole, la colonisation a très peu développé le tissu industriel du Maroc. Au lendemain de l'indépendance, l'idée d'une industrie industrialisante a très peu de temps retenu l'attention du nouvel État pour s'orienter vers l'évolution du potentiel industriel dans le cadre du développement agricole, jugée plus prioritaire. Il faut attendre le plan quinquennal de 1973-77, pour qu'une politique industrielle voit le jour.

L'engagement de l'Etat qui présente l'industrialisation comme un impératif pour le décollage économique s'est porté, la manne phosphatière aidant, sur des industries dites évoluées (complexes chimiques et pharmaceutiques, cimenteries, textiles, alimentaires...).

Le recours à l'endettement s'est très vite révélé lourd de conséquences, pour que l'État réoriente dès 1982, ses investissements destinés aux industries de substitutions aux importations, vers les industries exportatrices. Le système productif industriel, en regard des structures de l'investissement et de la production industrielle, se compose de trois catégories importantes.

La première est principalement constituée d'unités publiques et semi-publiques, dont l'activité est orientée vers la valorisation locale surtout des ressources du pays. Tel est le cas pour la valorisation de la production phosphatière, sucrière , raffinerie de pétrole... Elles sont relativement de grande dimension et disposent d'une large capacité de production. Des données du rapport du Ministère de l'Industrie sur la situation des industries de transformation (1981-1985) révèlent en matière d'affectation des ressources publiques, " une prédominance pour les branches à longues maturation comme la chimie (53 %), l'agro-alimentaire (23 %), la métallurgie et la mécanique " (Jaidi L., (1992:100)

Taux de croissance du P.I.B. par secteurs (annuels ) 1973 - 1986. ( prix constants 1969)

1973-77

1977-80

1980-84

1984

1985

1986

Mines, Énergies, Eau

+ 2,4

+ 6,3

+ 3,2

+ 2,6

+ 3

- 3,1

Industries manufacturières

+ 6,1

+ 3,9

+ 1,0

- 1,7

+ 0,9

+ 3,4

Bâtiment et T.P.

+ 27,2

- 11,0

+ 0,8

- 4,9

+ 6,4

- 10,3

Source : Rapport de la Banque Mondiale sur les politiques et perspectives d'ajustement à moyen terme. Cité par Jaidi L., 1992:102.

En général, le secteur étatique représente en patrimoine " prés du tiers du capital social industriel par des prises de participations directes dans 90 entreprises qui ont réalisé en 1985 un chiffre d'affaire de 20 milliards de Dirhams (1Fs = 6 Dh) et une production de 18 milliards de Dh., soit respectivement 31 et 30 % du total industriel. Le montant de la participation étatique directe et indirecte dans les industries de transformation est passé de 310 millions de Dh à 2,6 milliards de Dh entre 1969 et 1985 et il représente actuellement (1992) prés de 53 % du portefeuille financier de l'État "[99].

La seconde catégorie est formée principalement des petites et moyennes industries, peu capitalistiques, et qui se situe dans la plupart des branches industrielles: alimentaire, textile, petite mécanique... avec un taux de salarisation au plus de 100 actifs par unité. Elles sont majoritairement orientées vers la satisfaction des besoins du marché intérieur.

Enfin, le troisième regroupe les industries destinées à l'exportation manufacturière, y compris celles qui pratiquent de la sous-traitance internationale. Mise à part l'entreprise de montage Berliet qui a fait ses preuves, la contribution de cette catégorie au P.I.B. industriel est d'autant plus faible actuellement que son avenir semble très incertain en regard de la concurrence des pays du Sud-est asiatique. De même que la promotion des produits manufacturés[100] n'a pas abouti aux résultats escomptés, à l'exception de la confection et des dérivés des phosphates.

On constate que la production dominante de ces trois pôles est plus destinée à la consommation et qu'elle souffre d'une absence d'industries à même de produire des biens et des moyens de production. En fait, quelle que soit l'orientation de sa production, substitution aux importations ou encouragement à l'exportation, l'industrie marocaine doit nécessairement s'approvisionner en biens d'équipement à l'étranger.

En matière d'emploi, le tissu industriel absorbe à peine 5 % de la population active, ce qui correspond en 1985 à 224.361 postes de travail contre 193.827 personnes en 1981[101]. En raison de la phase que traverse actuellement la formation économique et sociale marocaine, un important flux de force de travail existe entre les différentes composantes industrielles. L'importance de ce flux s'explique d'une part et puissamment par les structures agraires qui libèrent continuellement une partie croissante de la force de travail rurale, et d'autre part, par la faiblesse des salaires qui amoindrit le pouvoir d'achat des ouvriers.

Parmi les exigences du P.A.S., certaines mettent l'accent sur la nécessité d'un développement des capacités exportatrices du Maroc. C'est pourquoi, il a été question de "consolider les assises du capital privé (national et étranger) dans le système productif par un nouveau partage des parts et des rôles entre le secteur public et le secteur privé"[102]. Cela conduit au désengagement de l'État, qui semble privilégier la formule de la privatisation. Le Plan 1988-1992 retient la politique de désétatisation comme fer de lance pour limiter "la prolifération des entreprises publiques, dont beaucoup ne sont pas (...) utiles" et jugées défaillantes par "les erreurs de gestion, et les vices de structure du service public"[103]. Cette décision, qui a provoqué moultes débats passionnés et contradictoires, semble prévaloir malgré les critiques formulées par certains experts qui parlent d'une privatisation sanction. En effet, selon H. El Malki, le transfert au capital privé est présenté comme le remède à la mauvaise gestion des entreprises publiques ( et aussi pour renflouer les caisses du trésor public)! "Or, non seulement, c'est là un simplisme dangereux, mais à quelle logique obéit un privé qui accepte de prendre en charge des "canards boiteux" [104]. Il a fallu attendre presque une dizaine d'années, de débats publics et d'hésitations étatiques, pour qu'en octobre 1992 débute une gigantesque "O.P.A. sur le public". Mais les appels d'offres ne semblent pas attirer les investisseurs privés, alors que "le gouvernement espère recueillir quelque 3,5 milliards de Dh de la vente d'entreprises publiques, soit l'équivalent du déficit budgétaire"[105]et ce d'ici la fin de 1994. A ce jour, seules dix sociétés privatisables ont pu être transférées au privé sur les 45 qui ont été et évaluées[106].

Pêche maritime

Doté de deux façades maritimes, la Méditerranée au nord et l'Atlantique à l'ouest, le littoral marocain long de 2850 km, et surtout grâce à sa plate-forme continentale, abrite une considérable zone de pêche à l'intérieur même d'une des régions les plus productives en espèces ichtyologiques de l'Atlantique (FAO. Belvèze H. 1982 ).

Ces ressources sont estimées à un potentiel exploitable (équilibrium catch) de 1 à 1,5 million de tonnes par an. Le volume des prises débarquées au pays, s'élevant depuis 1970 de 200 à 550.000 tonnes par an, provient essentiellement des petites unités de pêche côtière, qui appareillent depuis des quartiers maritimes urbains ou des sites villageois. Loin donc de compromettre ses disponibilités, le Maroc peut prétendre à une meilleure vocation maritime.

Aujourd'hui le développement du secteur de la pêche et de ses dérivés est retenu comme une priorité nationale au même titre que l'agriculture. L'Etat lui confère, en effet, un rôle de plus en plus grandissant dans la mesure où il conjugue le motif alimen­taire face à un déficit agricole et le mobile financier par l'ac­croissement des exportations. Pour ce faire, le plan quinquennal 1981-1985 a mis sur pied un nouveau dispositif de mesures juridi­ques et institutionnelles, à partir duquel pourrait être échafau­dée une stratégie de développement du secteur de la pêche: création d'un Ministère de la pêche, nationalisation de la mer par l'institution d'une Zone Economique Exclusive de 200 miles marins (370,5 km), un code d'encouragement aux inves­tissements dans le secteur, projet de création de villages de pêcheurs, modernisation des techniques de pêche, de transformation et de distribution...

4. La Pression démographique

Après cette esquisse des politiques agricoles et industrielles mises en oeuvre en Algérie et au Maroc depuis les années 60, il convient de s'arrêter sur trois indicateurs importants : la démographie, le chômage et les espoirs des élites au sujet d'une relance économique à partir des investissements étrangers

En l'espace d'une trentaine d'années, la structure démographique a profondément changé de physionomie, le fort taux de croissance de 3 % des années 70' et 80', a principalement contribué à un large rajeunissement de la population. Les moins de vingt ans représentent aujourd'hui environ 60 % de la population totale.

Trois recensements généraux de la population ont eu lieu au Maroc et Algérie. En 1960, 1971 et 1982, la population marocaine est passée de 11,06 millions à 15,23 et 20,35. Quant à la population algérienne elle est passée entre 1966, 1977 et 1987, de 11,82 millions à 15,64 et 22,60. Selon le taux de croissance déjà mentionné, on peut estimer le nombre de la population en 1994 à environ 27,5 millions d'habitants en Algérie et aux environs de 28 millions au Maroc. En matière de chiffres démographiques la prudence doit être la règle, tant les disparités entre sources officielles, organismes privés et chercheurs, demeurent marquées.


ALGÉRIE

MAROC

INDICATEUR

Unité

1975

1988

1990

1993

1975

1988

1990

1993

Population

million

15,6[107]

23

24,8

27

17,3

24,1

25,4

27,3

Croissance annuelle

%

3,1

3,3

2,7

2,5

3,1

3,0

Densité

hab./km2

7,1

9,6

38,7

34

pop. urbaine

%

61,2

66,6[108]

70,8

35,2[109]

44,5[110]

47,4[111]

pop. rurale

%

38,8

34,4

29,2

64,8

55,5

52,6

espérance de vie

année

65,7

54,2

63

taux de fécondité

enfant

8,1

4,8

6,5 [112]

4,5

taux de natalité

_

30,7

30

41,1

35

taux de mortalité infantile

_

100

60

97 [113]

82

taux de mortalité

_

16,7[114]

6,6

7,4

7

11,7[115]

1 médecin pour 1000 hab.

_

0,43

1

0,09

0,05

taux femmes

%

49,9

taux hommes

%

50,1

pop. de - 15 ans

%

44

46,1[116]

42 [117]

pop. de - 30 ans

%

59,1

70

76 [118]

Sources : Pour l'Algérie cf. Lakehal M.,1992; pour le Maroc cf. Lahlou M, 1992; et périodiques divers

A partir du tableau ci-dessus, on observe que l'évolution de la croissance démographique en Algérie, a connu de fortes amplitudes ces deux dernières décennies. C'est que la baisse de la mortalité (16,1% à 6,6% entre 1970 et 1988) a été plus rapide que celle de la natalité (moyenne de 30%). D'autres facteurs interviennent, cependant, dans l'explication de la structure démographique actuelle, parmi lesquels on citera le degré de scolarisation des filles, l'accès à l'emploi des femmes, l'aggravation des conditions de vie des populations qui a joué un rôle non négligeable dans le recul de l'âge du mariage et la crise de l'espace domestique.

Les caractéristiques socio-démographiques marocaines, font ressortir une quasi égalité des sexes (49,9 % de femmes et 50,1 % d'hommes). La pyramide des âges est fortement marquée par les personnes âgées de moins de 35 ans et qui représentent 76 % de la population totale; quand aux personnes âgées de moins de 15 ans , elles constituent à elles seules 42 % de la population marocaine[119]. L'analphabétisme qui sévit au Maroc depuis très longtemps, frappait lors du dernier recensement 65 % de la population âgée de 10 ans et plus, et en 1989 près de 50 % des jeunes marocains en âge de scolarisation sont abandonnés à l'extérieur des écoles[120].

Le nombre des ruraux et des urbains tend à s'équilibrer respectivement entre 47,4 % et 52,6 % contre 65 % de ruraux en 1971. Le "développement inégal"[121] qu'a connu la société marocaine par la marginalisation des catégories sociales du monde rural a abouti ces dernières années à un inversement des rôles, à savoir qu'aujourd'hui c'est à la ville qu'incombe la tâche de nourrir les ruraux, c'est des structures urbaines que dépend leur survie.

5. Chômage et sous-emploi

L'extraordinaire pression démographique combinée à la faillite des économies publiques marocaine et algérienne aggravent le chômage endémique. La situation de l'emploi fort précaire depuis les années soixante, subit par ailleurs, les effets pervers des programmes d'ajustement structurel.

5.1 Maroc

Pour le Maroc, l'évolution du chômage et du sous-emploi doit être saisi dans une périodisation précise qui intègre trois secteurs : urbain, rural et informel.

En nous basant sur les études menées par El Malki et prenant en compte les résultats de l'enquête annuelle de la population active urbaine, le taux de chômage en 1988 est de 13.9 %. El Malki[122] fait, cependant, remarquer que "la situation positive de l'emploi en 1988 s'explique par une année de croissance exceptionnelle (+ 10%) et contraste avec 1987 où le taux de chômage fut de 14.7 %. En 1989, ce taux s'élève à 16.3 %.".

En milieu rural, la dernière enquête sur la population active rurale, datant de 1986-1987, permet d'établir un taux de 5.6 %. Et là encore, l'économiste El Malki fait observer qu'en "milieu rural le concept de chômage n'a de pertinence que s'il couvre une catégorie considérée à part par les statistiques officielles, celles du" sous-emploi visible". Une estimation plus réaliste donne un taux de chômage et de sous-emploi visible de 30 %".

L'addition des deux taux (16.3 % et 30 %) nous donne un taux de chômage global réel de 46.3 %. Toutefois, le troisième secteur considéré, soit le secteur informel[123], permet d'atténuer les effets néfastes du chômage en dépit "d'une politique fiscale inappréciée (qui) tente d'asphyxier (le secteur informel) par la généralisation d'une patente au risque d'étendre la crise de l'économie formelle à celle de l'économie informelle et de provoquer, partant, le passage d'une crise, jusque-là économique, à une crise socio-politique."

Dans le cadre de ce secteur informel, il convient de mentionner la production et le trafic des drogues. Selon l'observatoire géopolitique des drogues (OGDE) dans son dernier rapport 1992-1993 :" Le Maroc est, avec une production annuelle en 1992 estimée à plus de 150 tonnes de haschisch (résine de cannabis), le quatrième exportateur mondial de cette drogue. Il est le premier fournisseur de la France et de l'Espagne. Le trafic s'effectue selon trois axes: le premier emprunte les routes qui partent des grandes villes marocaines (...); le deuxième passe par l'Algérie et la Tunisie et le troisième par l'Afrique noire."[124]

La question du chômage et du sous-emploi n'est évidemment pas appréhendée et calculée de la même manière par les pouvoirs publics. A preuve, devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, lors de sa deuxième session à Genève (du 02.05.94 au 20.05.94), l'Ambassadeur G. BENHIMA s'est contenté d'indiquer sommairement que le chômage touche 16% de la population urbaine, dont 13% et 25,3% de femmes (voir tableaux ci-après).

MAROC : Taux de chômage de la population urbaine selon le sexe et l'âge.

AGE

2 sexes

Masculin

Féminin

1992

1991

1992

1991

1992

15 - 24 ans

30,0

30,3

27,5

35,3

35,8

25 -34 ans

20,8

19,8

17,0

25,4

29,2

35 - 44 ans

5,5

4,7

3,6

9,5

12,9

45 - 59 ana

3,4

3,3

2,9

6,8

6,0

60 et plus

1,9

2,9

1,6

4,4

3,9

TOTAL

16,0

13,0

25,3

Source : Rapport soumis au comité des droits économiques sociaux et culturels des Nations Unies ( 10 e session, Genève, du 2 au 20 mai 1994 ), par le Représentant permanent du Maroc, l'Ambassadeur Ghalli Benhima, auprès de l'office des Nations Unies à Genève et des organisations internationales en Suisse, page 3.

Note : Devant la même session, un autre expert marocain affirme que les évaluations du chômage des diplômés varient entre 100.000 et 120.000, soit 10 % du nombre des chômeurs (1,097 Million en 1991)


5.2 Algérie

En Algérie, les sources officielles révèlent un taux de chômage plus important qu'au Maroc, 26,7 % de la population active en 1989[125], aggravé par une augmentation annuelle des demandes d'emploi de 20,6 %, alors que les offres d'emplois baissent de 8,9 %.[126] Il convient d'apprécier ces chiffres à la lumière de l'évolution discontinue du chômage et du sous-emploi sur la période 1966-1989, avant d'essayer d'en saisir la causalité essentielle. D'après deux économistes algériens (cf. note 1), cette évolution articulée aux trois recensements de 1966, 1977 et 1987 donne les taux suivants:

1966: 32,9%, 1977: 22,0%, 1987: 22,5% et 1989: 26,7%.

Ces fluctuations du chômage et du sous-emploi s'expliquent, évidemment, par le volume annuel de création d'emplois et par d'autres paramètres. C'est ce qui ressort de la mise en exergue de la périodisation suivante:

1. 1963-1971: Réorganisation de l'économie algérienne et émigration.

L'emploi augmente annuellement de 52 000 unités; le départ des Européens créent des opportunités d'emploi qui ne s'inscrivent pas nécessairement dans une politique sociale cohérente. De plus, les luttes politiques intestines au sein du nouvel Etat maintiennent à l'arrière-plan les problèmes du chômage. Dans ce contexte, l'émigration est une aubaine: l'ONAMO (l'office nationale de la main-d'oeuvre, organisme chargé de la gestion des courants migratoires) délivre 25 000 cartes d'émigration par an entre 1963 et 1973. Durant cette période, sur 3 Algériens ayant un emploi, l'un est expatrié. Dès 1966, suite à la politique d'industrialisation volontariste de l'état, les effectifs dans les entreprises publiques gonflent. Combinés aux effets de l'émigration, il en résulte une baisse du taux chômage de 32,9% en 1966 à 22% en 1977.

2.1972-1984: Rente, industrialisation et croissance de l'emploi.

L'emploi augmente de 132 000 unités; le secteur des hydrocarbures nationalisé en février 1971 rapporte à l'état de substantielles ressources en devises. L'épuisement des possibilités d'émigration conduisent l'"état-Providence" à stabiliser l'emploi en multipliant, entre autres, les effectifs des administrations. Le taux de chômage passe de 24% à 15%.

3.1985-1989: Contraintes extérieures et explosion du taux de chômage.

Le volume annuel de postes de travail chute de 75 000 unités. Le retournement du marché pétrolier (les exportations d'hydrocarbures chutent de 40%) provoque une profonde déstabilisation de l'emploi: sur 132 actifs, seuls 31 trouvent un emploi.

En 1989, le chômage atteint des niveaux jusque-là inconnus: près de 1,5 million de demandeurs d'emploi représentant 26,7% de la population active".[127]


ALGÉRIE :

Activité, emploi et chômage par sexe lors des trois recensements et en 1989

1966

1977

1987

1989

Population totale

11.821.679

15.645.490

22.600.957

Population active

2.564.663

3.049.952

5.074.267

5.588.000

Population active féminine (%)

5,5

7,6

10.9

Taux d'activité total (%)

21,7

19,5

22,5

Taux d'activité des femmes (%)

1,8

2,6

4,4

Emploi

1.720.710

2.379.125

3.932.989

4.095.000

Emploi féminin

94.511

180.387

427.184

Chômage Général

843.953

670.827

1.141.278

1.493.000

Chômage féminin

14.942

23.310

65.260

Taux de chômage (%)

32,9

22,0

22,5

26,7

Taux de chômage féminin (%)

13,7

11,4

13,3

Source : M. Lakehal (dir.), 1992:176., Année 1989, voir page: 175.

Comme au Maroc, la dure réalité de ces exclus du travail déclarés[128] est pour certains atténuée par le développement des activités dites "informelles"[129] ("trabendo", commerce de détail et de l'occasion, ateliers de textile, contrebande...).

L'arrivée massive des jeunes générations sur le marché du travail devient un enjeu fondamental. Ainsi l'importante proportion des chômeurs âgés entre 15 et 29 ans, (plus d'un million, dont plus de 600.000[130] dans les deux pays), est constituée de diplômés avec parfois des titres universitaires de haut niveau. On comprendra dès lors que la détérioration du sous-emploi et des systèmes productifs, ait créé une situation de crise qu' illustrent amplement les révoltes urbaines et l'expansion de l'islamisme comme mode de contestation politique et référent identitaire antagonique et mobilisateur.

6. Les investissements étrangers

A début des années 90, les stratégies de relance économique ne se limitent plus à une réforme économique circonscrite au seul désengagement de l'état du système productif. Le capital privé n'étant pas en mesure de prendre la relève, une politique de séduction de l'investissement étranger a été adoptée par les élites dirigeantes. La croissance économique indispensable à leurs yeux pour libérer leur pays de la dette est jugée irréalisable sans la participation des investisseurs privés nationaux et surtout étrangers.

6.1 Algérie

- La loi de 1988[131], a innové en la matière en autorisant les entreprises publiques à contracter avec des investisseurs étrangers des "joint-ventures" et permettant également la création de sociétés mixtes en supprimant toute limite de partenariat à la participation étrangère dès la fin de l'année 1989.

- La loi d'avril 1990 portant sur la Monnaie et le Crédit, assortie d'un Code d'investissement "parachève le dispositif d'ouverture totale aux capitaux étrangers: 1.En autorisant les non-résidents à importer des capitaux, soit pour des investissements directs, soit pour des investissements de portefeuille, et à rapatrier le principal et les bénéfices générés par ces investissements; 2.En supprimant l'obligation de la participation de 51% du secteur public algérien; 3.En autorisant les banques étrangères à s'implanter désormais dans le pays".

Ainsi, outre une demi-douzaine de sociétés mixtes existantes à la fin des années 80, une dizaine d'accords[132] avec des investisseurs étrangers ont été depuis signés, dont les derniers avec des Américains, notamment la Mobil Oil Corporation qui vient d'allouer "55 millions de dollars à la réalisation d'un programme d'exploration au nord-est du champ pétrolier de Hassi Messaoud[133], selon la même source la SONATRACH a conclu le 31 juillet 1993 à Alger, un accord avec la fameuse firme BECHTEL pour la construction du tronçon algérien du gazoduc Maghreb-Europe. BECHTEL réalisera un pipe-line d'une longueur de 530 km, ainsi que l'ensemble des ouvrages annexes, dont un système intégré de télé-contrôle et de télécommunications. La valeur de ce contrat est de 305 millions de dollars, soit 3,2 milliards de dinars algériens.

- La loi du 30 novembre 1991 autorise les sociétés étrangères à participer jusqu'à hauteur de 49% à l'exploitation des gisements déjà en production ou à découvrir. Le premier ministre algérien, Sid Ahmed Ghozali, propose aux capitaux étrangers l'exploitation exclusive d'une partie du patrimoine national des hydrocarbures[134]. Il a même déclaré qu'il est "en panne" d'autres solutions meilleures pour "survivre" et relancer la croissance économique. Le capitalisme international, longtemps décrié et craint, est aujourd'hui sollicité par l'application d'une nouvelle stratégie d'ouverture totale sur l'extérieur. L'Algérie semble, néanmoins, souffrir de sa situation interne qui handicape ce train de mesure d'ouvertures exceptionnelles. En effet, la disponibilité d'un marché et de lois favorables ne suffisent plus pour attirer le capital étranger. Celui-ci hésite en appréciant d'autres facteurs tels que la dette publique, le pouvoir d'achat local et les menaces proférées à son endroit par des mouvements extrémistes d'obédience islamiste et la violence aux effets incontrôlables des pratiques dites anti-terroristes menées par certaines fractions du pouvoir politico-militaire (partisans du tout sécuritaire au sein de l'armée et des services secrets).

Il convient de souligner que récemment, la chambre française du commerce et de l'industrie en Algérie a décidé le gel total des investissements français suite à de nombreux assassinats perpétrés contre des ressortissants français.

Cette menace semble toutefois d'une inquiétude moindre pour le chef de la Division II de la DFAE, Heinrich Reiman, qui voit dans "les islamistes algériens de bons libéraux ...(et que)... s'il devaient prendre un jour le pouvoir et rétablir l'ordre, alors les affaires pourraient redémarrer"[135].

Actuellement, seule une vingtaine de sociétés suisses sont représentées en Algérie à travers de simples agences de livraison de matériel pour un montant de 41 millions de francs suisses en 1993. (comparativement au Maroc, la présence helvétique se manifeste pour la même année par un investissement de presque 200 millions de francs suisses de huit des dix-huit entreprises helvétiques déjà installées dans le royaume.[136]

6.2 Maroc

Le Maroc étant au bénéfice d'une apparente stabilité et de mesures fiscales très encourageantes profite partiellement des dividendes de la situation algérienne. A telle enseigne que l'investissement étranger des dernières années a largement dépassé les apports de l'Etat. Ainsi, en 1992, les investissements directs étrangers ont atteint 460 millions de dollars représentant une augmentation de 29 %, et plus de 600 millions de dollars en 1993[137] dont 25 % investis dans entreprises à privatiser . Les principaux pourvoyeurs de capitaux étrangers sont plus que jamais originaires de l'union européenne, à leur tête la France avec 23,7 % et l'Espagne 18,8 % des capitaux investis en 1992. Les investissements français en particulier, selon les autorités marocaines ont connu une évolution positive, passant de 91,1 milliards de DH en 1984 à 304,7 milliards en 1988 et leur part dans le total a augmenté sensiblement passant de 13,9% à 28,8% durant la même période.

Selon S. Benachenhou[138], "la stratégie globale (de l'investissement étranger) semble être un désengagement progressif de l'industrie.". Cet investissement se concentre pour un tiers dans l'immobilier, pour un quart dans l'industrie et pour 10% dans le tourisme. En revanche, les investissements en provenance des pays arabes sont en nette régression, passant de 34,3 % à 13,3 % de 1983 à 1992[139]. Nous mentionnerons également la forte progression des investissements suisses qui passent de 5 % en 1973[140] à 32%[141] en 1993.

Enfin, les investisseurs maghrébins sont quasiment absents, l'Union du Maghreb Arabe est loin d'être une réalité économique. Il est intéressant, par contre, de noter que les échanges avec Israël sont chiffrés à 100 millions de dollars[142].

7. Impacts de l'émigration

sur les économies marocaine et algérienne.

Si, durant les années soixante, trois Maghrébins sur quatre, résidant en France, étaient algériens, aujourd'hui la communauté marocaine s'avère être la plus dynamique, en couvrant la moitié de l'accroissement de la population étrangère en France. Et ce grâce à sa forte fécondité conjuguée à la faiblesse des naturalisations .

Immigration maghrébine en France

1968

1988

Algériens

471.020

820.900

Marocains

88.200

516.400

Tunisiens

60.180

202.600

Source : Escalier R., 1992:95

Les effets sur l'économie des pays de ces deux communautés, en terme de transferts d'épargne sont diversement appréciés par leurs états respectifs.

7.1 Algérie

L'état algérien, sans doute à cause d'un nationalisme plus ombrageux et des devises provenant des hydrocarbures il y a peu encore, n'a jamais défini de politique attractive de l'épargne de ses émigrés. Cette absence de stratégie officielle a favorisé l'émergence d'un marché parallèle de change et de flux de marchandises particulièrement florissant. Ce flux souterrain ne peut figurer dans les chiffres officielles, qui eux seuls portent à croire que le transfert d'épargne est en forte régression, même si il est vrai qu'on assiste également à un recentrage de l'épargne au sein de l'économie française, en attendant une hypothétique accalmie des perturbations algériennes.

Transferts d'épargne des émigrés résidant en France (en millions de FF courant)

1971

%

1984

%

1988

%

ALGÉRIE

778

16,4

34

0,2

14

0,1

MAROC

363

7,6

4.091

25.7

4.322

30,3

Total étranger

4.538

100

15.527

100

14.255

100

Source : L'Etat du Maghreb, 1992: 479.

7.2 Maroc

Le Maroc quant à lui, a toujours su favoriser le rapatriement des économies de ses immigrés " en leur offrant certains avantages sous forme de primes, de taux d'intérêt attractifs, de facilités de crédits au logement"[143] à la création d'entreprises..

En 1992, les résidents marocains à l'étranger ont transféré plus de 2 milliards de dollars, une manne qui a permis aux autorités de contenir le déficit des opérations courantes[144].


Conclusion

L'heure des bilans a-t-elle sonné au Maghreb?

Quel sort cette région du monde va-t-elle connaître au début du prochain millénaire?

Quels rapports vont-ils se nouer entre les pays des deux rives de la Méditerranée?

Quelles réponses, les pays de l'Union Européenne et les États-Unis d'Amérique en particulier, apporteront-ils aux attentes des différents acteurs politiques de la scène marocaine et algérienne notamment?

Ces questions en recouvrent d'autres bien entendu, et les solutions optimistes ou satisfaisantes pour les uns comme pour les autres ne relèvent ni de l'improvisation, ni du volontarisme. Il n'en demeure pas moins que certaines observations peuvent être posées.

L'islamisme est sans doute l'objet aujourd'hui le plus préoccupant. La nébuleuse ou le caractère "frontiste" qu'il constitue, montre deux tendances, l'une "réformiste", l'autre "radicale".

La première au Maroc comme en Algérie, bien que les situations ne soient pas superposables, semble s'accommoder de l'existence des Etat-nations, elle avalise donc l'existence d'un ordre politique distinct de l'ordre divin. Cette évolution vers la "compromission" relève autant de la realpolitik que de l'auto-appréciation de sa force politique interne face au pouvoir en place et à ses autres contestataires "laïcs". La référence à l'ordre divin comme à la chari'a, auront permis à ce courant de gagner à sa cause les victimes d'un ordre social profondément inégalitaire. Ce courant fort de cette "représentativité" populaire acquière ainsi un droit de cité. Il peut dès lors vouloir jouer la carte des élections législatives ou présidentielles, étant sûr qu'il peut les gagner. Majoritaire dans le jeu politique, il peut à sa guise gérer "islamiquement" la société sur le modèle saoudien ou iranien ou le sien propre.

Le deuxième courant est plus nettement celui de la désespérance populaire. Il est déjà en rupture avec le premier, il inscrit son action dans une "rationalité par les valeurs " et non à l'aune des résultats immédiats. La religion ou la religiosité dans ce cas, n'est pas un outil de promotion individuel ou politique, mais bien l'expression du salut collectif. Le terrorisme ou le maquis apparaissent donc comme les moyens indiqués de détruire l'Etat apostat et de lui substituer l'Etat de Dieu.

Ces deux courants sont-ils en voie d'institutionnalisation au Maghreb? Et pour le dire concrètement s'agissant du Maroc et de l'Algérie, y a t-il déjà connivence entre un Abassi Madani et un Abdessalam Yacine d'une part, un Abdelkrim Motii et les chefs du GIA d'autre part? Laissons l'hypothèse ouverte, d'autant qu'il faut intégrer à ces données les sensibilités qui s'expriment ou peuvent s'exprimer sur ce terrain, en Tunisie, en Libye et en Mauritanie.

Par rapport à ces deux expressions, les coalitions d'opposition paraissent peu assurées, fragiles ou franchement haineuses.

Les "démocrates" maghrébins ou de manière plus générale l'élite politique de ces pays, produisent une rhétorique nourrie de jacobinisme. Beaucoup d'analystes trouvent, à juste d'ailleurs, dans certains courants de la Révolution française l'origine du "totalitarisme" algérien d'aujourd'hui. Il est vrai que l'expérience coloniale a très peu servi à transplanter la démocratie dans ce pays et il n'est rien d'étonnant de constater que les dirigeants de l'Algérie indépendante n'ont retenu que les aspects les plus autoritaires de la phase historique ouverte par 1789, y trouvant de quoi largement consolider et légitimer leur appropriation du pouvoir.

Si au Maroc le processus de délégitimation religieuse n'a pas encore produit d'effet significatif, la monarchie ne peut pas survivre à partir de ses seuls acquis de monopolisation de l'ordre symbolique.

Les partis d'opposition, en se situant très peu dans le cadre de la religiosité (exception faite de l'Istiqlal), n'offrent pas réellement d'alternative et sont loin de capitaliser, d'une manière ou d'une autre, le mécontentement social d'autant plus grandissant qu'il y a l'exemplarité de la poudrière algérienne et ses issues potentielles.

Ainsi, la voie dans ces deux pays, d'un pacte politique entre des oppositions "modérées", un prince réformiste ou un pouvoir militaire "inébranlable", ne semble pas praticable. Le jeu politique, pour l'heure, est bloqué, en Algérie, plus qu'au Maroc, il nous paraît figé, mettant dans un très dangereux face à face, les tenants d'une voie pacifique (comprenant bien entendu des islamistes), et ceux de la violence (éradicateurs, forces armées de l'Etat et de l'islamisme radical).


Annexes

Annexes Nº.

Titres des documents

1

Code algérien de la famille

2

Organigramme de la nébuleuse islamique

3

Carte de la violence

4

Trois maîtres à penser

5

Interview de Rabah Kebir

6

Un système économique incertain

7

Communautarisme en Grande-Bretagne

8

Coexistence en Allemagne

9

Populations musulmanes de Suisse Romande

10

L’islamiste qui embarrasse la Suisse

11

Rectifions l’image de l’islam

12

Le premier congrès musulman romand

13

La Cause, journal du FIS en Suisse, Nº 2 et 10

14

FLN, résolution politique, décembre 1994

15

FLN, résolution organique, décembre 1994.

16

FFS, Algérie, briser le silence

17

Hocine Aït-Ahmed adresse devant l’Université d’été du parti socialiste belge, 29.08.94.

18

Hocine Aït-Ahmed, allocuzione nella sede della Comunità cattolica di Sant’Egidio a Roma ( 21-22 novembre 1994).

19

Naissance et reconnaissance kabyles

20

Maroc, ce que le Roi a dit à l’opposition

21

Drogue: la piste marocaine

22

Sur le Sahara Occidental : Yacine et Motii


Bibliographie

Les références bibliographiques sont données dans l’ordre de leur apparition dans le texte. Cette bibliographie indicative, ne reflète ni la documentation utilisée, ni la production théorique et historique sur le Maghreb.

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[1] Mohammed ARKOUN "Pour une critique de la raison islamique" Maisonneuve & Larose. Paris 1984

2 Asâla est lié à la racine a.s.l qui exprime l'idée d'origine-racine-base-fondement. La même racine se retrouve dans le pluriel usûl= fondements, sources de la religion dans l'expression usûl al-dîn; ou du droit dans l'expression usûl al-fiqh.

3 Il convient ici de souligner que la véhémence de l'affirmation d'une rationalité d'essence divine, orientant, fécondant ce qu'on nomme histoire de l'islam, n'a d'égal que l'expansion de l'imaginaire collectif nourri précisément des images idéales inlassablement reprises par des discours mobilisateurs, sermons dans les mosquées, conférences, prêches sauvages etc.

[3] docteur hanbalite mort en 1328 auteur d'un traité de droit public

[4] Ghassan Salamé, Démocratie sans démocrates, politiques d'ouverture dans le monde arabe et islamique, Fayard 1994.

[5] Susan George, "Jusqu'au cou: enquête sur la dette du Tiers-Monde, La Découverte, Paris 1988.

[6] Voir à ce sujet Charles Rizk, "Les Arabes ou l'histoire à contresens", Albin-Michel, Paris 1993

[7] Il faut relever que les états maghrébins ont tous opté pour le modèle jacobin. Retenons aussi que la définition de la nation héritée de l'Europe bourgeoise du XIXe siècle, ne résiste pas à l'analyse historique, sociologique et culturelle moderne. La langue, la religion, la culture, les expériences communes invoquées aujourd'hui pour cimenter l'unité nationale permettent de franchir une étape; mais elles changent sans cesse de contenu, de fonctions, d'importance dans la conscience des citoyens. Que dire aujourd'hui des croyants et des militants islamistes au Maghreb qui se réfèrent exclusivement à la Umma (communauté des croyants), concept qui bat en brèche celui de nation considéré comme un avatar de l'impérialisme français.

[8] On continue de penser la décolonisation algérienne, en termes de révolution, avec tous les accents qui relèvent d'un lyrisme convenu et surtout en usant et abusant des sacralisations héroïques (leaders historiques etc.).

[9] Hassan II, discours de la fête du trône, 3 mars 1991. Cependant, il faut signaler que depuis, la constitution a été amendée et comporte dans son préambule une assertion proclamant l’adhésion du Maroc aux principes universels des Droits de l’Homme. Ajoutant également qu’en 1994, en décrétant une amnistie en faveur des prisonniers politiques et des exilés, Hassan II veut donner une autre image de lui-même et accréditer l’idée que les Droits de l’Homme sont respectés chez lui.

[10] Ahmed Rouadjia "Grandeur et décadence de l'Etat algérien", Karthala, Paris, 1994, p.11

[11] Zaouia est rendu généralement en français par confrérie religieuse et Makhzen par Etat central. Il y a en outre référence à deux espaces, la zaouia renvoie au lieu où se réunissent les partisans d'une voie mystique (tariqà) pour la méditation, la prière et la perpétuation de la tradition instituée par le fondateur; le Makhzen désigne l'instance où s'accumulent les moyens majeurs de gouvernement, le trésor, la bureaucratie, l'armée. Quant à la tribu, elle a fini par prendre tous les sens , par recouvrir toute une série de contenus. Ainsi, pour les uns il y a la tribu-nation, la tribu-parti, la tribu corps de troupe etc. Pour lesautres, l'organisation tribale est vue à travers l'image d'une multiplication à partir de la famille biologique: la famille, la farqa (clan),la djémâa (assemblée).

[12] voir notre ouvrage "La formation sociale marocaine de la fin du XIXe siècle à la marche verte (l975) ", pp. 36.37, Ed Piantanida, Lausanne l983; l'historiographe marocain Akansus Mohammed, définit assez strictement les conditions d'investiture du sultan telles qu'elles découlent de la Bey'a et que nous résumons ci-dessous:

Le sultan doit remplir 6 conditions pour être investi en tant qu'Imam: il doit être pubère, de sexe masculin, de condition libre, sain de corps et d'esprit, quraïshite et 'adel ( non dans le sens de juste ou équitable, mais dans le sens juridique d'homme honorable de bonnes moeurs).

[13] On doit en effet relever que si ces conditions (cf. note supra) sont relativement faciles à réaliser, celles qui fixent la déposition légale du sultan apparaissent selon les mêmes sources hautement improbables à réaliser. Les raisons de détrôner un sultan déjà investi sont limitativement fixées: parjure, emprisonnement par l'ennemi, folie ou infirmité; les uléma soulignent que l'impiété et l'immoralité ne justifient pas une déposition. Ces mêmes uléma quand ils sont appelés à désigner l'Imam doivent remplir trois conditions majeures: être honorables, versés dans les sciences religieuses et doués d'une intelligence politique.

[14] YACINE (Abdessalam). "Al Islam bayana ad-dawla wa ad da’wa" (l'Islam entre l'Etat et l'appel islamique), Casablanca, An Najah, 1971-72 p. 81.

[15] Succession du Prophète à la tête de la Umma musulmane pour assurer la pérennité des pouvoirs spirituel et temporel.

[16] Texte de bey'a lu par Habib Allah Ould Bouh, Qadi de Dakhla, Bulletin Officiel No 3490, 28 choual 1399 / 20 septembre 1979.

[17] Abdallah Laroui, "Les origines sociales et culturelles du nationalisme marocain", Maspéro, Paris, 1977, p. 103, précise "si l'autorité des 'alims (uléma ) est (...) réelle et importante elle est différente de celle des shârîfs. Ceux-ci dépendent tous les jours des libéralités sultaniennes , mais ils jouissent d'une autorité étrangère au Makhzen, qui peut même dans des conditions favorables, comme le soutien d'une Zaouia locale, se détacher et se transformer en pouvoir politique concurrent. les 'alims, quant à eux sont relativement autonome, mais leur autorité est co-naissante pour ainsi dire avec le Makhzen qui ne leur appartient pas. Ils exercent un pouvoir indispensable, mais qui n'est pas suffisant en lui-même, tandis que celui des shârîfs, qui n'est pas indispensable puisque le Maroc a su s'en dispenser des siècles durant, peut tout de même se suffire"

[18] Abdallah Laroui, op. cit. p. 103.

[19] Abdallah Laroui, Islam et modernité, La Découverte, Paris 1987.

[20] M. AL AHNAF, B. BOTIVEAU, F. FREGOSI, l'Algérie par ses islamistes, Paris, Karthala, 1991, p.21

[21] S. LABAT, Le Nouvel Observateur, nª 1553 du 7 au 17 août 1994, p.7

[22] S. LABAT, op.cit., p.7

[23] S. LABAT, op.cit., p.7

[24]

"Lorsque l'Etat connaît une crise de légitimité, l'intervention de l'armée, de son propre chef ou à la demande d'une partie de l'élite au pouvoir, apparaît comme une solution beaucoup plus "naturelle" dans un système politique autoritaire que le recours à la démocratie. Cette intervention liée aujourd'hui, du fait de l'exemple algérien, à l'opposition aux islamistes n'a pas dans la longue durée une signification aussi marquée au Maghreb qu'en Amérique latine. Mais les intérêts corporatistes des officiers, la volonté de préservation de l'autonomie et des ressources nécessaires au fonctionnement de l'institution militaire, le sentiment de décalage avec une société politique touchée par la corruption, divisée et apeurée, y constituent les éléments déterminants d'un processus d'engagement des militaires dans le fonctionnement des institutions étatiques, associé ailleurs depuis longtemps à l'image du pouvoir autoritaire. Avant de s'engager dans cette voie, les militaires ont souvent été sollicités au Maghreb pour réprimer les émeutes urbaines, s'opposer aux syndicalistes et plus récemment aux islamistes". Rémy LEVEAU, Le sabre et le Turban. L’avenir du Maghreb, Paris, François Bourin, 1993, p.205.

[25] C'est surtout dans le cadre universitaire que se manifeste ce mouvement particulier: ce qu'on appelle le "groupe de la fac'centrale", étudiants et enseignants de la petite et moyenne bourgeoisie animés par une idéologie islamiste -tendance Djazara-algérianiste) se retrouvant actuellement dans le FIS- exprimant un contre-projet de modernisation économique restant conforme aux traditions.

voir à ce sujet le dossier "ALGÉRIE" fait par M.S. et E. GERBER-BOUSLAMA de l'Organisation Suisse d'Aide aux Réfugiés (OSAR), édité en décembre 1993.

[26] S. LABAT, op.cit

[27] Le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques créé en octobre 1946, suite à l'interdiction du Parti du Peuple Algérien, est la véritable matrice nourricière et organisationnelle du FLN.

[28] Parti créé en mars 1937 par Messali Hadj et interdit le 29 septembre 1939. Le MTLD sera le "paravent légaliste" du PPA.

[29] F. Aichoune, R. Backmann, le Nouvel Observateur, Nª 1553, p25.

[30] Lahouari ADDI, l’Algérie et la démocratie, La découverte, Paris, 1994.

[31] S. LABAT, op.cit., p.8

[32] S. LABAT, op. cit. p. 8

[33] F. AICHOUNE et R. BACKMANN, op.cit., p. 7

[34] F. AICHOUNE et R. BACKMANN, op.cit., p 7

[35] Soit 1 Jama'at al Wa'd wal Irchad (Casablanca), dont l'activité était alors concentrée sur la formation des prêcheurs, 2Jam'iyat ad da’wa al islamiiya (Chaouen), qui se limite à l'animation religieuse de ses membres, pour la plupart des professeurs

d'arabe, 3 Ansar al islam (Casablanca), 4 Ad da’wa ila alkhaïr û at tansûh (Oujda), 5 Ad da’wa ila al haq (Casablanca), 6 Allihaaq (Tanger), 7 Ansar al islam (Casablanca), 8 Jam'iyat ad da’wa ila al khair u ahl as sunna (Casablanca), 9 Jam'iyat al ba'th al islami (Oujda), 10Dar al Coran, 11 Ahl al lioua' (Nador), 12 Ikhwane as safa (Casablanca et Ouazzane), 13 Al harakat al qadyaniya (Casablanca), 14 Jam'iyat at tabligh wa ad da’wa (Casablanca, Rabat, Nador, Tiznit, Tanger, Ksar el Kebir), 15 Jam'iyat ach chebiba al islamiyya(Casablanca et Rabat surtout), 16 Jam'iyat ad da’wa ila Allah (Casablanca), 17 Jam'iyat ad da’wa al muhamadiya (Casablanca), 18 Jam'iyat tala'i al islam (Casablanca), créée en 1975 et proche des Frères musulmans, animée alors par des anciens de l'USFP, 19Jam'iyat inqad al Jahil li al wa'd al irchad (Casablanca), 20 Hizb at tahrir al islami(Tanger), 21 Jam'iyat Chabab an nahda al islamiyya (Rabat), 22 Jam'iyat al ba'th al islam (Tétouan), 23 Jam'iyat Jama’t ad da’wa al islamiyya (Fès); cf. Tozy, Mohamed, mémoire DES de sciences politiques et "Champ et contrechamp politico-religieux au Maroc", thèse d'État de sciences politiques (Aix-en-Provence U3, 1984, 437 p.).

[36] François BURGAT, L'islamisme au Maghreb, Karthala 1988, 304p.

[37] Voir pour plus de précision l'ouvrage d'Olivier Carré, Lecture révolutionna du Coran par Sayyid Qutb, Frère musulman radical, Paris, éditions du Cerf/Press de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1984, et mon article Ahmed Benani, Légitimité du pouvoir au Maroc: Consensus et contestation, Genève-Afrique, vol. XXIV-No 2-1986.

[38] Avant le Coran, les islamistes parlent d'une gentilité (jâhiliyya), c'est à dire d'une société polysegmentaire, caractérisée linguistiquement par la diversité des langues vernaculaires, religieusement par le paganisme, soit les "ténèbres de l'ignorance" selon une ision théologique fondée sur une fausse interprétation du concept coranique de jâhiliyya. Après le Coran, ces mêmes islamistes décrivent la montée irrésistible de l'Etat islamique fondé à Médine en 622 par le Prophète et l'épanouissement corrélatif d'une langue et d'une culture savantes.

[39] Cf. La révolution islamique, recueil des textes fondateurs du MJIM-SE, 1984.

[40] François Burgat, op. cit., p.188.

[41] Interview écrite adressée à Bernard Cohen pour le journal "Libération" et non publiée; citée par F. Burgat, op.cit. pp. 189-193. Voir aussi "Jeune Afrique" No 1262 du 13.3.1985.

[42] (A) Yacine, "La révolution à l'heure de l'Islam", Marseille, Imprimerie du Collège 1981. Yacine a en outre dirigé la revue de son groupe. "Al Jama'a" durant cinq ans avant qu'elle ne soit interdite.

[43] Voir l'analyse très exhaustive de cette lettre par (M) Tozy, in bulletin du Centre d'Etudes et de Recherches Internationales de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, N0 3, pp. 107-112. Tozy précise que "le texte de la lettre ne peut pas être réduit à un long acte d'accusation, il est beaucoup plus profond que cela, car outre l'aspect vindicatif (le plus spectaculaire), l'auteur fait fonctionner une chaîne référentielle, qui le met non seulement en posture de défier et d'admonester le Prince, mais surtout de proposer (ou de se proposer comme) un projet de société". Et d'ajouter "l'objectif de la critique (...) n'est plus principalement le Prince, mais les institutions politiques. L'enjeu aussi n'est plus le pouvoir, mais la capacité de mobilisation de la société autour d'une quotidienneté exemplaire. Si Yacine était le dernier "Don Quichotte" qui partit en solitaire à l'assaut de la citadelle du pouvoir, il n'en reste pas moins un précurseur du glissement vers une nouvelle forme de revendication politique qui a pour base Aljama'a: une communauté en lutte pour une société juste" p. 107

[44] Allusion aux deux tentatives de coups d'Etat militaires qu'a subi le monarque en juillet 1971 et août 1972.

[45] Allusion à Abd el Hafid sultan du Maroc, à Farouk roi d'Égypte et au président Nasser. Le premier a subi la critique d'el Kâttani qu'il a mis à mort, le second a affronté les foudres du fondateur des Frères Musulmans qui a fini au bout d'une corde, et Nasser a fait assassiner Sayyid Qutb.

[46] Mais de nombreux tracts, feuilles clandestines circulent tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays De plus outre l'ouvrage signalé plus haut, Yacine a publié en France (1987) une monographie sur le marxisme-léninisme.

[47] Source: décrit comme modèle à vocation universelle, en janvier 1981 dans le No 8 de sa revue "Al Jema’a".

[48] L'image télévisuelle, pour ne citer que cet exemple, est partout maîtresse des moeurs et des opinions, sinon des idées. Elle veut s'imposer comme discours vrai- "l'image ne ment pas"- à la différence du discours politique, telle est aujourd'hui un des éléments de l'imaginaire social. L'image télévisuelle n'est pas seulement document d'histoire, elle fait l'événement, et pose à l'historien, comme au citoyen, le problème de l'information, de son statut, de son mode de fonctionnement, voire de sa fiabilité.

[49] Voir les travaux de Felice Dassetto et Albert Bastenier en particulier, "Sciences Sociales et Islam transplanté" in Bruno Etienne (dir), L'islam en France, pp73-83, Paris, éd. CNRS, 1990

[50] Leveau (R.) et Schnapper (D.), " Religion et politique : juifs et musulmans maghrébins en France" in Leveau (R.) et Kepel (G.) (dir), Les musulmans dans la société française, op. cit.,pp.99-140.

Cf. notamment Andezian( S.),"Pratiques féminines de l'lslam en France", Archives des Sciences sociales des religions, 1983, n° 55/1, pp. 55-66 mais aussi Kepel Gilles, Les banlieues de l 'islam. Naissance d 'une religion en France, p. 27 et suivantes. Paris. éd. Seuil., 1987; Lewis (Bernard), et Schnapper (Dominique), Les Musulmans en Europe, Arles, Actes Sud, 1992.

Voir surtout, Cesari Jocelyne, Etre musulman en France. Mosquées, militants, associations, Paris, éd. Karthala, 1994.

[51] J. Cesari, op. cit.

[52] Salem CHAKER est professeur de berbère à l'Institut national des langues et civilisations orientales à Paris, in "Quelques évidences sur la question berbère", revue Confluences, No 11, Été 1994, l'Harmattan , Paris.

[53] Sur ce point, il y a lieu de relever deux situations particulières: 1. le mouvement culturel berbère (MCB en Algérie) qui sur cet aspect linguistique mène un combat déterminé et accompagné d'effets (existence d'une université berbère en Kabylie et enseignement de cette langue aussi bien dans les classes que dans la famille). 2. La promesse récente du gouvernement marocain de rendre obligatoire l'enseignement du berbère dans toutes les écoles primaires; décision historique qui équivaut à la reconnaissance du berbère comme langue officielle.

[54] Sur les origines de ce conflit et les positions des protagonistes régionaux voir notre étude "Sahara Occidental et affrontements nationalitaires dans le Maghreb", Ahmed BENANI in Genève-Afrique, Vol. XVII, No1, 1979.

[55] Le Conseil de sécurité de l'ONU a approuvé à l'unanimité en 1991, la résolution 690 qui a mis en oeuvre le processus d'autodétermination, la première étape de ce processus s'est concrétisé par l mise sur pied de la MINURSO (Mission Internationale des Nations-Unies pour le Référendum au Sahara Occidental). Mission dans laquelle la Suisse a joué un rôle extrêmement important.

[56] Il est important de souligner la légitimité religieuse des Hachémites, lesquels descendent de l'oncle du Prophète Al Abbas, ils se prétendent donc légataires de l'imamat que leur aurait cédé Abu Hachim, le fils de Mohammed Ibn al Hanafiya, à sa mort, en 718.

[57] Voir à ce sujet notre étude "Légitimité du pouvoir au Maroc". Ahmed Benani, Genève-Afrique, Vol. XXIV-No 2-1986, pp.47-72.

[58] Makhzen (mot arabe qui a donné magasin en français) signifie à la fois Etat, administration et ordre civil. Plus précisément le Makhzen désigne l'instance où s'accumulent les moyens majeurs de gouvernement, le trésor, la bureaucratie, l'armée.

[59] Habous: objet ou immeuble dont la dévolution successorale est arrêtée et l'usufruit affecté éternellement à une fondation pieuse ou à l'indivision des descendants. Les Habous au Maroc sont également un Ministère qui gère entre autres les mosquées et versent des salaires aux officiants; en contrepartie ces mosquées sont fermées entre les prières et on ne peut s'y réunir (danger islamiste) alors que les mosquées privées sont étroitement surveillées par la police. Mais il y a des limites à la prise en charge matérielle des lieux de culte; elle représenterait un gouffre financier compte tenu qu'en 1980 il existait 19000 lieux de culte dont 13000 privés. Le Ministère des Habous n'en coiffait pour sa part que 6000 y employant 20 481 personnes.

[60] Hassan II, discours du 1er février 1980, voir traduction française dans le journal gouvernemental "Le Matin du Sahara" 3 février l980.

[61] Hassan II, ibid.

[62] En 1988, la dette extérieure représentait plus de 120% du PNB au Maroc et plus de 40% en Algérie. D'un pays à l'autre, la structure de la dette ainsi que les détails de remboursement sont différents. Pour l'Algérie, 84% de l'endettement sont à moyen et long terme et 16% à court terme; plus de 81% des dettes sont dus à des créanciers privés et 19% seulement à des créanciers publics. Au Maroc c'est la situation inverse qui prévaut avec 75% d'endettement vis-à-vis d'opérateurs publics et 25% seulement vis-à-vis du secteur privé

[63] Du 5 au 10 octobre 1988, les grandes villes algériennes furent ébranlées par de graves émeutes du "ras-le-bol" quasi généralisé à l'ensemble de la société civile, et qui se soldèrent par des milliers de victimes et la ré appropriation permanente de l'espace urbain par l'armée. Très vite ce "ras-le-bol" massif exprimé pour délégitimer le F.L.N., va profiter aux thèses contestataires et mobilisatrices du F.I.S. pour déboucher lors des élections municipales (A.P.C.) de juin 1990, sur une écrasante victoire avec 55,4 % des voix contre 32,1 pour le F.L.N., et la suspension de l'éphémère processus de transition politique, instauré en 1989, par le Gouvernement Chadli

[64] Mohammed HARBI "L'Algérie prise au piège de son histoire", in Le Monde Diplomatique, mai 1994

[65] " L'appel à la Banque mondiale, à la C.E.E. ou à la France s'est traduit par l'accumulation d'une dette estimée à 27 milliards de dollars" (Eveno P., 1994:90).

[66] Akesbi N., 1991:445.

[67] Le Professeur A. Berrada (1993:18) analysant les moeurs dépensières des cadres "supérieurs" de l'administration et des entreprises publiques, a estimé à " 60.000 Dh (10.000 FS) par an [par cadre] la consommation à usage privé, mais au frais de l'État, d'eau, d'électricité, de téléphone et de carburant". Il poursuit plus loin que "cette forme de piratage, largement tolérée par l'État permet à plusieurs milliers de personnes et/ou familles de disposer gratuitement et à volonté d'une multitude de biens et services de confort". D'autres agents "moins supérieurs" ne s'autorisent-ils pas, eux aussi, des "branchements illicites en matières d'eau, d'électricité et de téléphone". (idem)

[68] La méthode utilisée par la Banque Mondiale ( Rapport de base sur l'économie marocaine, volume II, 1979) définit le seuil de pauvreté comme le niveau des dépenses nécessaires pour satisfaire les besoins vitaux d'un individu ou d'une famille. Ce niveau a été évalué à 1820 DH/ménage en 1959-60 et à 2492 Dh en 1970-71. P. Pascon et M. Ennaji (1986:35) qui citent cette méthode ont évalué le pourcentage de pauvres en milieu rural à 48,5 % en 1960, à 44,7 % en 1977 et à 77 % en 1984.

[69] 1989, Sources : tableau établi par l'auteur.

[70] 1985

[71] 1992

[72] 1986

[73] 1992

[74] 1985

[75] 1992

[76] 1989

[77] 1973

[78] 1979

[79] 1992

[80] 1989

[81] 1992

[82] 1989

[83] 1974

[84] 1989

[85] 1992

[86] 1992

[87] " L'Algérie indépendante a fondé sa stratégie de développement économique sur les concepts tiers-mondistes en vogue dans les années soixante: industrialisation rapide, priorité à l'industrie lourde, urbanisation accélérée (...) par opposition au modèle capitaliste représenté par l'ancienne métropole coloniale". P. Eveno, 1994:53.

[88] Mara-Bneder, analyse des potentialités agricoles et des perspectives de développement de l'irrigation, Alger, 1975. Cité in LAKHAL M. (dir.), 1992:79.

[89] En cette année (1962), tout le secteur agricole s'effondra à cause des machines sabotées ou vendues, les circuits d'approvisionnement et de commercialisation perturbés et la raréfaction d'un travail qualifié.

[90] Le Ministère de l'Hydraulique avance le chiffre de 335.700 ha, 1987.

[91] FAO, "statistiques des pêches", Vol. 68, 1989:93

[92] la conception de ce modèle qui a été élaborée par F. Perroux, G. Destanne. De Bernis et S. Amin. (cf. bibliographie) s'articulaient à travers les considérations suivantes :

" - Mettre en valeur les ressources du pays (avant tout les hydrocarbures) et les exporter pour disposer des moyens d'échange nécessaires à l'importation d'équipement.

- Implanter une industrie lourde (sidérurgie et pétrochimie) capable de transformer les richesses naturelles du pays et de fournir des demi-produits aux secteurs d'activités principaux : BTP, industries manufacturières, agriculture.

- Développer les industries métallurgiques, mécaniques et électriques pour fournir les équipements courants à tous les secteurs d'activités et accroître le degré d'intégration intersectorielle de l'économie.

- Développer les industries de biens de consommation nécessaires pour satisfaire les besoins de la population en produits de première nécessité.

- Enfin, par la réalisation de tous ces objectifs, l'industrie algérienne devait créer de très nombreux emplois et contribuer à résoudre les distorsions économiques et sociales engendrées par la colonisation entre les diverses régions du pays". ( Ollivier M., 1992:116)

[93] Hireche Assia, " Impacts financiers en 1995 et 2010 de deux politiques énergétiques",

Marchés Tropicaux, n°. du 27 avril 1990:1150

[94] Malgré les restrictions du programme de l'ajustement structurel, il a été maintenu de construire un grand ouvrage hydraulique toutes les deux années, " cela portera le nombre des barrages de retenue achevés et en construction à 32 en 1989 dont 18 sont utilisés pour l'irrigation" (Khrouz D., 1992:123)

[95] Alors que chaque type d'activité devrait contribuer à l'effort économique au prorata des profits qu'elle en tire, l'agriculture dans son ensemble a été exonérée des impôts jusqu'en l'an 2000. Khrouz D. note que les subventions étatiques doivent être calculées pour ne pas continuer à aggraver les disparités sociales, surtout quand " les impôts indirects sont très lourds au Maroc. Leur poids est supporté plus durement par les catégories sociales à revenus faibles" (1992:123)

[96] SODEA : Société de développement agricole, SOCETA : Société de gestion des terres agricoles

[97] ibid

[98] ibid, page 148.

[99] Jaidi L., 1992:100.

[100] Parmi les principaux produits manufacturés des PME, destinés à l'exportation sont : Textiles , cuir, conserves de légumes et de poissons, pâte à papier, composants électriques,

[101] Ibid page 104

[102] Jaidi L., 1992:114.

[103] "Discours d'orientation prononcé au cours de la cérémonie d'ouverture (parlement) par S.M. Hachant II.", in "Le Matin du Sahara", 9 avril 1988.

[104] El Malki H., " La privatisation, pour quoi faire ?", in Lamalif, n°. 192:6-7.

[105] Massou A., " O.P.A. sur le public ", in Jeune Afrique, n°1732 (Mars), 1994.

[106] Dont la Cimenterie de l'Orientale a été cédée au Suisse Holderbank pour la bagatelle de 612 millions de Dh, alors que le total des neuf autres avoisinent les 720 millions de Dh.(cf. note supra)

[107] recensement de 1977

[108] 1987

[109] 1971

[110] 1986

[111] 1992

[112] 1985

[113] 1986

[114] 1970

[115] 1985

[116] 1971

[117] 1982, Lahlou M, 1992:63

[118] 1982, ibid, ce taux concerne les personnes âgées de moins de 35 ans.

[119] Lahlou M, 1992:63.

[120] Lahlou M, 1992:63.

[121] El Malki H. cité par De Barrin Jacques, " Fragilités marocaines", Le Monde du 24.6.1993.

[122] El Malki Habib "Le Maroc actuel", op. cit. p 319 et s.

[123] Commerce de détail, ateliers de textile, contrebande..., d'après une déclaration faite devant le conseil du gouvernement, le chiffre d'affaires de la contrebande serait de 9 milliards de DH, soit 19,3% des importations, 31,8% des exportations et 49% du déficit commercial en 1989.

[124] Le même rapport précise "qu'en matière de cocaïne, les trafiquants marocains tiennent le haut du pavé depuis la fin des années 1980. Les cartels sud-américains alimentent une filière marocaine particulièrement active (...).Les statistiques mondiales de saisie concernant les groupes nationaux les plus actifs illustrent le phénomène. En 1989, 23 Marocains étaient impliqués pour des saisies de 56.4 kg de cocaïne. En 1991, 36 Marocains pour un total de 169,6 kg. A titre de comparaison, en 1991, 89,1 kg de cocaïne étaient saisis dans le monde sur 147 Nigérians."

[125] Service du plan, cité par Si Ameur et Sidhoum, 1992:175, in "Algérie de l'indépendance à l'état d'urgence", sous la direction de Mokhtar LAKEHAL, L'Harmattan 1992, pp.145-169.

[126] Rouzeik F., 1990:562.

[127] M.Lakehal, op. cit. p.152

[128] En Algérie comme par ailleurs au Maroc, se déclarer demandeur d'emploi, n'équivaut nullement pour un chômeur d'être au bénéfice d'une indemnisation alternative à l'absence de salaire en dehors des solidarités familiales et d'occupations intermittentes.

[129] Pour une bonne compréhension du secteur informel, voir l'excellent travail de M. Salahdine, Les petits métiers clandestins. "Le business populaire". - Casablanca, éd. Eddif, 270 p.

[130] De Barrin J., déjà cité.

[131] Talha L., cf. Lakhal (dir.), 1992:260

[132] Benachenhou A., cf. L'Etat du Maghreb, 1991:432.

[133] Arabies, n° 89:30.

[134] Le Monde du 20.07.91.

[135] Le Nouveau Quotidien, 12.04.1994:17

[136] ibid.

[137] Jeune Afrique Économie, n° 178:57.

[138] A. Benachenhou, in "l'Etat du Maghreb", p. 431

[139] Rivages, n°8 (1993), page:30.

[140] Diouri M. "A qui appartient le Maroc?", l'Harmattan, 1992:138

[141] Office fédéral des affaires économiques extérieures, "Relations économiques Suisse-Maroc", Doc. Maroc 821, [Mai 1993], 4 pages.

[142] Ces échanges concernent avant tout le textile, les produits agricoles et le tourisme. Selon le rapport annuel de la banque d'Israël (mai 1994), 70% de la croissance des exportations en 1993 s'est faite avec des pays considérés comme des partenaires commerciaux "non traditionnels" de l'Etat hébreu. Selon des prévisions, ces marchés (dont le Maroc) seront le principal facteur de croissance économique prévue cette année et qui pourrait être de 6%. (source Associated Press 31 mai 1994)

[143] L'Etat du Maghreb, 1992:479.

[144] F.Soudan, Jeune Afrique, n°1731:33